Tunisie – Décret-loi électoral n°55 : Le découpage des circonscriptions électorales est “problématique”

Le nouveau découpage territorial des circonscriptions électorales institué par le décret-loi électoral n°55 du 15 septembre 2022 est “problématique”, ont fait savoir des experts de droit constitutionnel, soulignant que son application pose nombreux problèmes et défis, dont notamment, l’égalité des Tunisiens dans la représentation parlementaire et la nature aléatoire et subjective des critères de son élaboration.

C’est ce qui ressort des travaux de la table ronde organisée, samedi, par l’Association tunisienne de droit constitutionnel (ATDC), dédiée à la lecture critique des dispositions du décret-loi n°55.

Prenant la parole, la présidente de l’ATDC, Salwa Hamrouni, a affirmé que le découpage territorial procède souvent d’une lecture politicienne subjective, soulignant que les principes internationaux régissant la question sont bien clairs, dès lors qu’ils imposent aux pouvoirs publics d’instituer ce découpage un an avant l’échéance électorale, en raison de ses incidences politiques et surtout de sa corrélation étroite avec les calculs politiques

Elle a ajouté que le découpage territorial était basé sur l’idée d’égalité entre le nombre d’électeurs. Au cours de l’année écoulée, l’idée a été promue que le vote pour les individus se ferait dans des circonscriptions très restreintes de manière à ce que l’électeur soit en mesure de pouvoir connaître ses candidats. Or, selon le découpage actuel, les électeurs peuvent appartenir à des délégations qui n’ont aucun lien de proximité géographique.

Dans la même lignée d’idées, la professeure de droit public, Monia Guari, a estimé que ce découpage “ne respecte pas le principe d’intégrité ou d’égalité dans le poids de chaque voix, et qu’il a été conçu pour répondre aux exigences des élections locales et régionales plus que les législatives”. Le principe du découpage territorial est intimement lié dans sa substance au programme du candidat censé répondre aux besoins de sa région, a-t-elle rappelé.

De son côté, la professeure de droit constitutionnel, Salsabil Klibi, a tenu à préciser que le découpage des circonscriptions électorales était “opaque” et qu’”il a fallu faire appel aux experts de la géographie humaine”. Elle a souligné que ce découpage donne l’apparence d’un simple et pur découpage administratif “alors que la vérité en est autre”.

Opaque et arbitraire, ce découpage des circonscriptions électorales, regrette l’experte, posera nécessairement des problèmes d’ordre pratique, notamment lorsqu’il y a des sensibilités entre les délégations.

Bien plus, le président de l’association ATIDE, Bassam Maatar, a évoqué “une tentative malveillante d’orienter les électeurs”, notant que le monitoring des médias sociaux au cours des deux derniers mois a fait ressortir l’existence de pages Facebook focalisant leurs activités sur les lieux de résidence de leurs abonnés.