Lilia Bouguira fait le bilan de la révolution et des actions de Saïed

Je voudrais dire quelque chose juste quelques mots aux Tunisiens. Tous les Tunisiens. J’aimerais leur dire qu’il nous est important de savoir se poser, apprécier et surtout se donner le droit d’être heureux.

Pendant plus de dix ans, on a tout fait pour diviser le peuple.

Nous n’avons pas eu droit au bonheur et à la joie d’avoir fait une révolution.

Nous avons fait une révolution malgré tout ce qu’on peut dire.

Nous l’avons porté au plus loin de nos personnes et frontières.

Nous avons été pris en exemple partout dans le monde.

Nous avons respiré la liberté.

Nous nous en sommes transfusés.

Une renaissance.

Un nouveau lait de change.

Le plus doux des élixirs.

Mais très vite, nos démons nous ont rattrapés.

Ils ont défiguré nos rêves de dignité et de liberté, de justice et encore de liberté.

Ils nous ont montés les uns contre les autres.

Ils ont tué nos rêves de liberté et de dignité, de justice et encore de liberté.

Ils ont vendu l’ours et la peau de l’ours.

Ils nous ont confisqué jusqu’à la joie de rire et de faire la fête.

Nous sommes devenus en dix ans tout à coup très vieux et très malheureux.

Attentats – Corruption – Criminalité – Faillite du système de santé et une pandémie qui a failli nous emporter – Pauvreté poussée à l’extrême – Faillite du système économique et banqueroute qui menace du plus petit au plus grand.

De plus en plus isolés du reste du monde pointés du doigt et indésirables.

Nous sommes la peste.

Notre révolution, une malédiction ou presque.

Nous savons tous que nos politiciens étaient véreux, des incompétents et voyeuristes depuis dix ans.

Nous savons tous que notre Assemblée représentante du peuple ne l’a jamais représenté ou presque.

Tous communiaient à un dieu autre que celui du peuple.

La misère et les malheurs de la nation étaient loin de leur priorité.

Ils ont été sourds, amers et sans coeur à nos douleurs.

Nous savons tous que tous les gouvernements qui se sont succédé ont excellé dans l’enfoncement du pays dans la précarité, le manque et la radicalisation.

Nos jeunes se sont radicalisés, se sont faits tuer ou tuer.

Nous sommes devenus l’un des plus grands exportateurs d’immigrés et de terroristes.

La crème de notre élite est partie fuyant un pays devenu de plus en plus impossible à vivre.

Nos présidents n’ont pas fait mieux.

La paix et la sécurité sont devenues des pièces rares.

Nous avons eu droit à la chasse pour atteinte au sacré, contre la liberté de penser, s’habiller ou s’exprimer.

Nous avons eu droit à des menaces pesantes sur les libertés tout court.

Le chaos et la faillite totale.

La famine et la criminalité aux horizons.

Puis il y a eu le 25 juillet.

Un dimanche mémorable où le président Kais Saïed a gelé le Parlement.

Un push blanc.

Il faut croire que c’est le destin de ce pays depuis toute son histoire.

Un peuple hors norme exceptionnel.

Pas du tout à la Sisi comme on prétend.

Aucune effusion de sang.

Des klaxons, des yous yous de femmes et des houra d’enfants et de citoyens libérés.

Kaïs s’assoit sur sa République dangereusement mais tranquillement.

Il a à son avantage un ras-le-bol général.

L’aversion de tout un peuple qui a vomi tous les partis, les gouvernements et son Assemblée.

Plus rien ne le représentait.

Plus rien ne lui ressemblait sauf peut-être encore un président dans son ultime acte.

Une denière manœuvre avant l’effondrement.

Kaïs n’est pas le messie ni Dieu.

Cela, le peuple le sait.

Mais il a renversé tout le monde, gelé et aboli les privilèges. Il a fait tomber certaines têtes ouvrant une porte d’espoir pour la justice et l’équité.

Populisme, communication laissant à désirer. Gouvernement qu’il tarde à former.

Place à beaucoup de silence et de non dits.

Rien n’arrive à décélérer ce peuple de ce président novice et singulier.

Pour une fois, la réputation et les mains propres l’emportaient.

Cela, le peuple le veut.

“Echa3b yourid.”

Mais ce peuple veut surtout une trêve.

Il veut le pain, la sécurité et élever ses enfants.

Il veut s’éloigner au plus loin de cette décennie noire.

Cerise sur le gâteau: Ce matin vient de nommer une femme lambda, que personne ne connaît, à la tête du gouvernement.

Elle est juste dotée d’un éloquent CV.

J’aime espérer que cela ne sera pas une nouvelle source de discorde et de partage.

J’aime espérer qu’elle saura nous regrouper.

J’aime prier que la sagesse de nos aînés l’emportera et que chacun appellera à l’apaisement de son côté.

La Tunisie n’est le butin de personne et le sera jamais.

Elle nous appartient à tous.

Chacun doit s’y voir vivre et la protéger.

Il est temps d’enterrer les haches de guerre sinon un tsunami nous emportera tous.

Nous n’avons que ce petit pays pour nous contenir.

Ne nous en rendons pas égoïstement orphelins.

Docteur Lilia Bouguira