Le Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme (HCDH) en Tunisie a, au cours du premier semestre de 2021, reçu des informations circonstanciées relatives à plusieurs incidents graves impliquant des membres des forces de sécurité intérieure et exprime sa préoccupation à cet égard.
Il est indéniable que depuis 2011, conformément à sa Constitution et à ses engagements internationaux, la Tunisie s’est engagée de façon volontariste dans un processus de démocratisation, de réformes législatives et de renforcement des capacités initiales et continues visant à ancrer l’Etat de droit et la promotion et la protection des droits de l’homme au sein des institutions tunisiennes, dont notamment les différents services assurant le maintien de l’ordre et la sécurité publique.
Il n’en demeure pas moins qu’une série d’incidents préoccupants se sont produits au cours de la première moitié de 2021, qui ont abouti à de graves violations des droits de l’homme de la part des forces de sécurité intérieure.
Ainsi, dans son communiqué du 28 janvier, l’Instance Nationale de Prévention de la Torture (INPT) a fait état de ses constatations relatives à des atteintes à la dignité et l’intégrité physique des personnes arrêtées, dont des mineurs, par des personnes dépositaires de la force publique lors de ses visites de nombreux lieux de détention à travers le pays suite aux émeutes de la mi-janvier.
En février, les autorités judiciaires ont annoncé l’ouverture d’une enquête suite à la torture dans les locaux de la Garde Nationale à Monastir, d’un homme placé en garde à vue. Le 8 juin, un jeune homme est mort dans des circonstances encore non-élucidées durant une garde à vue dans les locaux de la police à Sidi Hassine (gouvernorat de Tunis).
Dans le contexte des protestations qui ont éclaté suite à ce décès, des vidéos troublantes ont circulé sur les réseaux sociaux le 9 juin montrant des membres des forces de sécurité intérieure dont l’un est cagoulé et équipé d’un fusil automatique, en plein jour, dans la rue et devant témoins, qui semblent être en train de déshabiller de force et molester un jeune homme mineur à terre, qu’ils emmènent ensuite dans un fourgon.
Ces violations graves et répétées depuis le début de l’année 2021 révèlent des dysfonctionnements continus au sein des services de sécurité intérieure dont la résolution exige une volonté infaillible tant des pouvoirs exécutif et judiciaire aux fins de la redevabilité en conformité avec la loi qui est attendue par les Tunisiens et Tunisiennes, que de chacun des membres des forces de sécurité intérieure qui souhaitent et œuvrent à l’ancrage de leurs corps dans l’Etat de droit et des pratiques respectueuses de la loi et des droits de chaque citoyen.
Le Haut-Commissariat exhorte les autorités à initier ou finaliser sans délai des enquêtes administratives et judiciaires transparentes, indépendantes et promptes pour chacune de ces allégations. La sanction effective des responsables de ces violations marquera la fin de l’impunité de celles des personnes dépositaires de la force publique qui pensent pouvoir s’absoudre du respect de la loi tunisienne et de l’Etat de droit.
Le gouvernement est appelé à redoubler ses efforts pour traduire son engagement réitéré d’agir en conformité avec les standards nationaux et internationaux en matière de des droits de l’homme, en actions concrètes et pratiques visant à garantir effectivement les droits, les libertés fondamentales et la sécurité des individus.
Dans ce contexte, le Bureau du HCDH en Tunisie se tient prêt à continuer à apporter son appui technique aux ministères de l’Intérieur et de la Justice en coopération avec les instances constitutionnelles de protection des droits de l’homme ainsi que la société civile, pour la réalisation de cet objectif.