Affaire des hélicoptères UH-60M Black Hawk  : Le ministère de la Défense tunisien et le Pentagone sur la sellette ?

L’immunité parlementaire de Maher Zid le protégera-t-elle de la justice militaire ? Car au-delà de la personne de Ghazi Jeribi en 2014, ministre de la Justice, c’est le ministère de la Défense lui-même, ses cadres et généraux tunisiens ainsi que leurs homologues américains qui sont mis en cause. Le ministère de la Défense seule institution à avoir gardé sa crédibilité et la confiance des Tunisiens.

Les accusations de pots-de-vin, à l’occasion de l’acquisition d’avions militaires US, portées récemment à l’encontre de Ghazi Jeribi nuisent non seulement à l’image de notre ministère de la Défense mais également à celle du Pentagone (Etats-Unis) car si les hélicoptères UH-60M ont été fournis par la firme militaire US Black Hawk, ce sont les négociations entre l’Etat tunisien et celui américain qui ont abouti à la conclusion de ce marché. Des négociations menées de mains de maîtres par les représentants du ministère de la Défense nationale avec ceux du Pentagone pour que la Tunisie les acquière au meilleur prix.

L’appui américain a permis l’achat des hélicoptères avec leurs équipements associés, leurs pièces de rechange, la formation et le soutien logistique nécessaires au prix concédé à l’armée américaine, ce qui n’est même pas le cas pour les pays de l’OTAN.

L’accord entériné entre les deux pays avait concerné l’acquisition de 8 avions avec l’option de 4 autres supplémentaires.

Ministre tunisien et secrétaire d’Etat américain ont apposé leurs signatures car c’est un accord d’Etat à Etat, et la firme Black Hawk a signé en tant que fournisseur qui s’engage à honorer les délais et la qualité.

Pourquoi porter ces accusations maintenant ?

Il faut rappeler que les années 2014 et 2015 ont vu des attentats sanglants en Tunisie dont le massacre par les terroristes de 14 soldats dans une zone militaire frontalière en plein mois du ramadan.

Ghazi Jeribi avait déclaré à cette triste occasion qu’aucun mètre carré de la Tunisie ne restera sans surveillance à la merci des terroristes qui bénéficiaient de la part de leurs complices sur le sol national de toutes les facilités et de tous les accès au pays. Ils étaient presque en zone franche se comportant comme s’il s’agissait de leur propre émirat.

Sur demande du CDG, Mehdi Jomaa et de Ghazi Jeribi, et sur dérogation spéciale, la livraison de ces appareils de vision nocturne fut accélérée et aurait permis au gouvernement tunisien d’économiser 600 000 dollars. Le but était de renforcer les capacités de l’armée tunisienne à assurer des patrouilles frontalières, à être réactifs et en cas de besoin à faire des évacuations médicales pour ses forces opérationnelles.

Les faits prouvent que la menace terroriste a été considérablement réduite depuis.

Alors pourquoi porter ces accusations maintenant ? Pour plusieurs raisons !

Tout d’abord faire tomber la dernière forteresse institutionnelle de la Tunisie. Depuis 2011, nous avons vécu une guerre sans merci contre toutes les institutions nationales envoyées à l’abattoir, de la présidence de la République aux ministères de la Justice et de l’Intérieur en passant par le Premier ministère. Tous vidés de leurs compétences, de leur substance et de leur autorité. Infiltrés, rabaissés, dénigrés, courbés et avachis, ces ministères ont perdu de leur prestige et de leur autorité. Et rien qu’à voir aujourd’hui le laisser aller du peuple et le non-respect systématique des lois allant jusqu’à transgresser le couvre-feu, nous pouvons en mesurer les dégâts.

Ghazi Jeribi a été également le ministre qui a refusé de rallonger l’âge de retraite du premier président de la Cour d’appel, Hedi Guediri, proche du parti Ennahdha dont « l’armée de réserve » est I3tilef El Karama et son député Maher Zid.

Ghazi Jeribi est aussi le ministre qui a soumis à la justice le dossier de l’organe sécuritaire secret d’Ennahdha sous l’article 23. L’indépendance de Ghazi Jeribi est impardonnable pour les dirigeants nahdhaoui, donc il devait être châtié.

Le fait est qu’aujourd’hui ce n’est pas Ghazi Jeribi qui est attaqué, c’est le ministère de la Défense nationale, car ce sont ses officiers qui ont négocié le marché des hélicoptères US en 2014, c’est son image qui est égratignée et aussi celle d’un autre Etat : un partenaire militaire stratégique de la Tunisie : les Etats-Unis d’Amérique.

La justice militaire fera-t-elle justice ?

Amel Belhadj Ali