Un homme d’affaires rétribué plusieurs millions de dollars pour son aide dans la candidature victorieuse de Tokyo pour l’organisation des Jeux olympiques 2020 a déclaré avoir contribué à obtenir le soutien de Lamine Diack, l’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) suspecté de corruption par la justice française.
Haruyuki Takahashi, un ancien dirigeant de l’agence publicitaire Dentsu Inc, a été payé 8,2 millions de dollars par le comité qui a supervisé la candidature de Tokyo pour l’organisation des JO 2020, montrent des documents financiers que Reuters a pu consulter. La capitale japonaise a été choisie pour organiser l’événement, reporté à l’été 2021 à cause de la pandémie de coronavirus.
L’homme d’affaires a déclaré à Reuters que son travail comprenait des démarches de lobbying auprès de membres du Comité international olympique (CIO) parmi lesquels Lamine Diack, l’ancien président très influent de l’IAAF, auquel il a offert des cadeaux comme des appareils photo numériques et une montre Seiko. “Ils sont peu coûteux”, a dit Takahashi.
Les paiements reçus par Takahashi font de lui la personne la plus rétribuée par le comité de candidature de Tokyo, dont les fonds provenaient en majorité de sociétés japonaises. Après son implication dans la campagne victorieuse pour l’obtention des Jeux, Takahashi a été nommé au comité d’organisation de Tokyo 2020.
Il a admis avoir reçu ces paiements mais s’est refusé de dire dans le détail comment il avait utilisé cet argent.
Takahashi a dit avoir appelé Diack à soutenir la candidature de Tokyo et a nié toute malversation lors de ces échanges. Il a déclaré qu’offrir des cadeaux était une pratique normale destinée à entretenir de bonnes relations avec des représentants tels que Diack. Il a ajouté qu’il n’y a eu aucune irrégularité dans les paiements qu’il a reçus ni dans leur utilisation.
“Vous n’arrivez pas les mains vides. C’est du bon sens”, a dit l’homme d’affaires japonais à Reuters à propos des cadeaux offerts à Lamine Diack, mis en examen en France par le parquet national financier dans le cadre d’un dossier portant sur l’attribution de plusieurs grandes compétitions internationales – dont les Jeux olympiques de Rio en 2016 et ceux de Tokyo.
Des relevés bancaires du comité de candidature de Tokyo 2020, que Reuters a examinés, montrent que le comité a effectué un achat d’environ 46.500 dollars auprès de Seiko Watch.
Un haut représentant du comité a dit à Reuters que des “belles” montres avaient été offertes lors de soirées organisées dans le cadre de la campagne de Tokyo pour obtenir l’organisation des JO, sans préciser la marque de ces montres.
La réglementation du CIO autorisait au moment du processus de candidatures l’octroi de cadeaux d’une valeur nominale, sans spécifier le montant.
A la veille du vote en 2013 sur le choix de la ville hôte pour les Jeux 2020, Lamine Diack a déclaré lors d’une réunion de représentants du comité olympique africain qu’il comptait soutenir la candidature de Tokyo, a appris Reuters de l’avocat d’une personnalité influente du monde sportif sénégalais. Cet avocat a ajouté que Diack n’avait cependant donné aucune consigne de vote.
Diack, âgé de 86 ans, a nié à plusieurs reprises toute malversation. Son avocat a déclaré que Diack “rejetait toutes les accusations de corruption” et qu’il n’avait “reçu aucune somme d’argent de quiconque en lien avec les Jeux olympiques à Tokyo ou Rio de Janeiro”.
Tsunekazu Takeda, qui fut le président du comité de candidature de Tokyo, fait aussi l’objet d’une enquête en France pour des soupçons de corruption active. Il a démissionné l’an dernier du Comité olympique japonais et du CIO et a nié toute malversation.
L’avocat de Takeda a déclaré que son client n’avait pas donné instruction à Takahashi de faire du lobbying auprès de Diack et n’était pas informé de quelconques cadeaux offerts à Diack par Takahashi.
Dans une série d’entretiens à Reuters, Haruyuki Takahashi, âgé de 75 ans, a déclaré avoir été recruté par Takeda pour faire partie du comité de candidature de Tokyo et a expliqué qu’il avait notamment pour atouts les liens qu’il avait établis avec des personnalités influentes du monde du sport, comme Diack, durant sa carrière chez Dentsu.
Son rôle, a-t-il dit, était de dîner avec des personnes pouvant contribuer à faire avancer la candidature de Tokyo et de les convaincre, et d’effectuer différentes activités de marketing.
“Je n’ai donné d’argent à quiconque. C’est mon profit”, a-t-il dit à propos de l’argent perçu pour son travail de lobbying pour la candidature de Tokyo, soulignant n’avoir rien fait de répréhensible.