Pendant que le président élu, dont les feuilles de figuier qui tapissaient le populisme commencent à tomber dévoilant la haute portée démagogique d’un discours d’investiture que nous pensions sincère, siège entre la Mnihla et Carthage, les rues de Tunis sont occupées par les chancelleries étrangères !
Des chancelleries qui se comportent comme si Tunis était un champ de guerre où il faut se barricader pour assurer la sécurité de leurs agents multifonctions et de leurs préposés.
L’Avenue Habib Bourguiba, artère emblématique qui, depuis l’indépendance, a abrité des événements heureux et malheureux du pays, est occupée en partie par l’ambassade de France.
Au Lac 1, le siège de l’Union européenne «s’est dotée» d’une bande sécuritaire à l’Avenue du Lac Biwa -là où se trouve une concentration de lieux de restauration, ce qui rend la circulation difficile pour les “indigènes“.
Un peu plus loin, c’est la plateforme américaine appelée “ambassade“ édifiée sur une grande partie des Berges du Lac illustrant la toute-puissance US qui a colonisé une partie de la voie menant vers les centres commerciaux et la route de La Marsa.
Au Centre urbain Nord, l’ambassade de l’Arabie saoudite a bouclé toute une rue ; celles de la Turquie et du Qatar se sont elles aussi octroyées des périmètres de sécurité pris dans l’espace public, qui appartiennent -devons-nous le rappeler- à l’État et relèvent du domaine public.
Qui est responsable de ces “colonisations multiples“ ? L’Etat tunisien, incapable d’assurer la sécurité des représentations diplomatiques ? Les chancelleries étrangères qui n’ont pas confiance dans la capacité de notre gouvernement à les protéger ?
La Tunisie est-elle devenue si dénuée de souveraineté sur ses propres terres que les pays étrangers lui imposent leur diktat, faisant fi de sa prépondérance sur le sol national ?
Souveraineté nationale, vous dites ?
Monsieur le président constitutionnaliste, on nous a appris dans les manuels de droit que la souveraineté est la «qualité propre à l’État. Un Etat qui possède le pouvoir suprême impliquant l’exclusivité de la compétence sur le territoire national (souveraineté interne) et sur le plan international, l’indépendance vis-à-vis des puissances étrangères (limitée par les conventions ou par le droit international) ainsi que la plénitude des compétences internationales (souveraineté externe), pouvoir politique suprême dont jouit l’État»*.
Et en la matière, monsieur, votre premier exercice est un échec. Plus que de fermer les yeux sur l’occupation de notre espace public par les chancelleries étrangères, vous avez fait fi et du protocole et de la souveraineté nationale en accueillant sous le toit du Palais de Carthage le ministre allemand des Affaires étrangères en l’absence de son homologue tunisien et en présence de l’ambassadeur de Tunisie en poste à Téhéran.
Vous avez donc ignoré notre ministre des Affaires étrangères, ce qui ne vous honore même pas vis-à-vis de votre hôte allemand, au mépris de toute règle diplomatique.
Le représentant d’un pays dont le rôle en Tunisie est du reste assez douteux et accompagné par un ambassadeur tunisien sis à Téhéran ou peut-être “l’envoyé de l’Iran“ (sic) pour discuter en sa présence de relations bilatérales.
Monsieur le président-professeur, lorsqu’on ignore les us et usages diplomatiques, il faut avoir la modestie de s’informer et d’apprendre !
Et trêve de populisme à deux sous ! Comme le fait de prendre votre café avec les enfants du peuple, de prier sous les feux des projecteurs ou de refuser de vous installer au Palais de Carthage. La Tunisie n’a pas besoin d’un président qui n’incarne que lui-même, notre pays a besoin d’un président qui incarne l’Etat dans sa dimension prestigieuse et glorieuse.
Vous semblez oublier que vous représentez la République. La République a des règles qu’il faut respecter et la Tunisie n’a pas besoin d’un nouveau Marzouki, c’est lui qu’elle aurait choisi sinon.
Et si vous vouliez autant vivre avec et pour le peuple, vous auriez dû faire comme le Ché : refuser honneurs et salaires, et exercer votre sport quotidien de joutes populaires et d’envoûtement des esprits des jeunes idéalistes à la recherche de valeurs.
Aujourd’hui, monsieur, notre pays vit une situation kafkaïenne. Votre exercice et vos pratiques des fonctions “présidentielles“ sont, pour un pan de notre population, injustifiées, inexpliquées, inextricables et arbitraires !
Votre accueil du ministre allemand le prouve ; le parcours quotidien Mnihla/Carthage au mépris des intérêts du peuple que vous aimez à dire représenter l’illustre ; le discours extrémiste de l’un de vos plus proches collaborateurs inquiète ; et le fait même que vous n’avez pas commencé par faire preuve d’exemplarité en annonçant que vous allez couper dans votre salaire et ceux de vos prédécesseurs pour aider à remplir les caisses vides de l’Etat le prouve.
Et vous pensez agir pour la “libération“ de la Palestine, Monsieur ? En Palestine, il y a des hommes, des vrais, et des femmes qui luttent pour libérer leur terre de l’occupant israélien! Mais en Tunisie, Monsieur, où sont-ils les hommes, les vrais pour libérer notre pays de l’interventionnisme éhonté d’innombrables entités étrangères et d’une colonisation économique destructrice ?
Devons-nous les citer, Monsieur ?
Vous en avez reçu hier un spécimen au Palais, il y en a d’autres qui occupent la Tunisie et dont les murs des ambassades débordent sur notre espace public !
Comptez-vous réagir Monsieur ?
Souveraineté, vous dites ?
Le jour où vous exercerez réellement vos prérogatives sur le haut Conseil de la sécurité pour protéger les intérêts économiques, socio-culturels et sécuritaires de la Tunisie, nous en reparlerons !
Amel Belhadj Ali