La transplantation d’organes en Tunisie, une discipline qui avait été marquée par un arrêt d’activité durant les années post-révolution, a connu un essor considérable pendant l’année 2019, s’illustrant par plusieurs exploits médicaux, dont le Centre National pour la Promotion de la Transplantation d’Organes (CNPTO) y a fortement contribué, de pair avec les différentes équipes médicales opérant dans les hôpitaux tunisiens.
Ces prouesses médicales peinent cependant à dissimuler les travers qui freinent la discipline, dont notamment la longue liste d’attente des patients en attente de greffe, ainsi que la nécessité pressante de mener un travail de sensibilisation auprès des citoyens.
Telles étaient les conclusions des participants à une conférence nationale qui s’est tenue, jeudi à Tunis, à l’occasion de la célébration, le 17 octobre de chaque année, de la Journée mondiale du don d’organes et de la greffe.
Suspendues en 2005, les activités du CNPTO ont repris en avril 2019 par la réalisation d’une première transplantation cardiaque dans un hôpital public, alors que cette opération s’effectuait, exclusivement, à l’hôpital militaire de Tunis.
Les opérations se sont depuis succédé pour atteindre quatre interventions fin septembre de la même année, selon les dernières statistiques communiquées par Le CNPTO lors de cette conférence.
Les exploits médicaux ont été généralisés sur les centres de transplantation rénale, dont l’hôpital Sahloul à Sousse où quatre opérations de transplantation ont été effectuées en un temps record de 10 jours, tandis que trois transplantations rénales ont pris place à l’hôpital Charles Nicolle à Tunis, deux transplantation rénales ont été réalisées en une seule journée à l’hôpital Fatouma Bourguiba à Monastir, une série d’exploits relayée par la réalisation d’un nombre de transplantation délicates à l’hôpital Rabta à Tunis.
Dans ce sens, les équipes médicales spécialisées ont obtenu des résultats significatifs dans le domaine de la transplantation hépatique, en particulier chez les enfants.
En effet, 13 opérations du genre ont été effectuées jusqu’à la mi-octobre, parallèlement à l’accélération de la cadence des transplantations effectuées sur des adultes en comparaison avec les années précédentes, grâce aux organes d’un seul donneur en état de mort cérébrale.
“L’année 2019 marque un nouveau départ fait de succès en matière de transplantation d’organes, le nombre d’opération s’étant accru de manière significative par rapport aux années post-révolution à cause du manque de confiance des citoyens en les institutions hospitalières, une situation qui a empiré en l’absence flagrante des campagnes de sensibilisation sur ce plan”, a déclaré Tahar Gergah, président du CNPTO.
Il a ajouté que ces résultats probants, ont été réalisés grâce aux efforts médicaux et à une approche participative qui a regroupé le ministère de la Santé, le CNPTO, la société civile et les médias autour d’une discipline à considérer désormais comme une question sociétale à soutenir par l’intensification des campagnes de sensibilisation et d’incitation à la valeur du don, a-t-il dit.
Le directeur du CNPTO a, en revanche, indiqué que malgré les succès obtenus à ce jour, le nombre de patients en attente d’une transplantation rénale, est estimé à 1600, soulignant l’impératif de se focaliser davantage sur la question du don d’organes en vue de sauver la vie de nombreux patients.
Il a expliqué que l’objectif à atteindre par le CNPTO, consiste notamment en la mise en place d’un projet de prélèvement et de transplantation des valves cardiaques biologiques, afin d’éviter l’utilisation de valves artificielles qui font courir les risques d’un gel du sang et d’infections, outre un second projet consistant en le prélèvement et la greffe du tissu aortique, une opération utile dans les cas d’obstruction des artères et de coagulation sanguine et des infections bactériennes.
Le docteur en sciences religieuses, Ibrahim Chebbi, a souligné que la jurisprudence islamique a autorisé le don d’organes, appelant les personnes présentes à mentionner la qualité de donneur sur leurs cartes d’identité nationale et à laisser un testament aux membres de leurs familles dans lequel elles se prononcent donneur d’organes.
L’expert juridique, Mohamed Allouch, a indiqué que le don d’organes en Tunisie est réglementé par la loi numéro 91-21 du 25 mars 1991 relative au prélèvement et à la greffe d’organes humains. Si le prélèvement est effectué sur une personne vivante, la loi exige que le donneur soit majeur et jouissant de toutes ses facultés mentales.
Le consentement du donneur doit être exprimé devant le président du tribunal de première instance dont le ressort duquel se trouve sa résidence, selon la loi.
Si les prélèvements sont faits sur une personne décédée, la loi exige que la mort soit constatée par deux médecins hospitalo-universitaires qui ne font pas partie de l’équipe qui effectue le prélèvement ou la greffe. Cette vérification consiste en un examen clinique pour s’assurer de l’existence de cinq signes de mort cérébrale.
Pour sa part, la représentante de la société civile, Lobna Ghrab, a mis l’accent sur l’importance du rôle des composantes de la société civile dans la sensibilisation au don d’organes en menant des campagnes qui ciblent toutes les catégories sociales où elle se trouvent même celles qui vivent dans les régions reculées et ce afin de développer une réelle culture du don d’organes.