Les attaques fusent de toutes parts par milliers dès qu’un homme ou une femme des médias exprime une opinion contraire. Des armées cybernétiques qui agissent en toute impunité dans une liberté totale face à une justice laxiste et léthargique dès qu’il s’agit de victimes de la classe éclairée dans notre pays, et en prime les femmes. C’est comme si la lutte ou les clivages de différents pans de notre société se jouaient dans nos tribunaux.
Les attaques subies depuis des mois par Maya Ksouri et Myriam Belkhadhi sont une honte pour la caste des droit-hommistes sourds et aveugles alors qu’une avocate femme des médias et une journaliste brillante subissent insultes, intimidations et menaces de mort. Maya Ksouri a été prévenue quant au sérieux de ces menaces.
Est-ce à dire que le mythe démocratique (sic) que nous vivons ne sied pas aux défenseurs d’une Tunisie républicaine et progressiste ?
Est-ce à dire que toutes ces instances constitutionnelles et cette Constitution décousue où l’on parle de liberté d’expression et de conscience n’ont servi qu’à nourrir le déploiement d’une classe de jeunes endoctrinés formatés dans toutes formes d’extrémismes pour attaquer leurs aînés, les menacer, les intimider, les dénigrer et les diffamer sans inquiétude aucune ?
La Tunisie aurait-elle échappé à une dictature d’Etat pour tomber dans celle de jeunes illuminés parés de toutes les qualités -puisque jeunes-, jouissant de tous les privilèges et assurés de protections judiciaires ?
Cela fait des années que nous dénonçons les dépassements de ces hordes de jeunes déchaînées sur les réseaux sociaux qui ne respectent rien ni personne, mais l’Etat ne nous entend pas. Il est occupé ailleurs.
D’ailleurs l’Etat est pratiquement absent partout, et pour anecdote, dans la journée du 24 au 25 septembre, à Menzel Habib, on a barré la route aux conducteurs pour la simple raison qu’une ambulance a fait un petit retard. C’est simple, ces derniers ont fait des détours de presque 100 km pour arriver à destination. C’est beau la démocratie en l’absence de la force de loi et de l’Etat de droit !
Les femmes principales victimes de la violence politique
Mais les principales victimes de cette transition démocratique qui risque à tout moment de virer vers un État théocratique -suivant le modèle iranien ou qatari- restent les femmes. En Tunisie, la présence accrue des femmes sur tous les fronts et leur engagement font d’elles les principales victimes de la violence politique et sexiste devenu leur pain quotidien. Et pourtant, elles luttent non seulement pour préserver leurs acquis mais pour protéger la Tunisie des armées de rétrogrades se nourrissant de démocratie pour imposer une nouvelle dictature pire que toutes celles par lesquelles est passé le pays.
Un grand nombre de femmes publiques opérant dans les sphères politico-médiatiques sont, chaque jour que le bon Dieu fait, victimes de harcèlements et de violences visant à les intimider pour qu’elles lâchent prise et limitent leurs activités aux tâches ménagères ou à d’autres selon les vœux de leurs détracteurs ! Il y en a d’ailleurs qui sont menacées par des photos recueillies dans leurs sphères privées ou des vidéos.
Pendant ce temps, pouvoirs publics, société civile, médias et partis politiques observent tranquillement cette animosité grandissante vis-à-vis de la moitié de la société, jouent aux aveugles et font la sourde oreille.
Les temps sont-ils venus pour qu’ils prennent position clairement quant aux violences subies par les femmes ? Violences physiques, verbales et morales ? Ce n’est plus discutable, c’est devenu vital pour sauver la Tunisie de ce dangereux virage misogyne. Il est temps que l’Etat mette en application la loi adoptée et promulguée sur la violence à l’encontre des femmes et que les juges arrêtent ce jeu malsain de compassion déplacée à l’encontre de jeunes qui se croient tout permis.
Les Tunisiennes ont le droit d’être protégées contre le harcèlement et la violence sexiste pour garantir l’exercice de leurs droits politiques et les protéger dans l’exercice de leurs fonctions.
L’inertie des organisations féministes ou « féminines » face aux agressions dont sont victimes les femmes à chaque seconde est étonnante, voire choquante et indigne. Elles nous renvoient aux sectes qui ne défendent que leurs membres. Ce qui touche aux autres femmes ne les regarde pas et ne les intéresse nullement. Et pourtant, une association comme celle des Femmes démocrates montrait un courage titanesque face aux débordements du régime Ben Ali.
Amel Belhadj Ali