A la veille de la célébration de la fête de la république le 25 juillet dernier transformée en 2019 en un jour de deuil à la suite du décès de Beji Caid Essebsi, l’une des figures de proue de l’histoire politique tunisienne, le public bien sélect et averti a eu droit à une soirée des plus mémorables dans l’histoire du festival international de Hammamet dans sa 55ème édition.
Communion, partage, nostalgie, mémoire et amour éternel ont été les maitres-mots d’une soirée hommage à la grande diva tunisienne Naâma. Présente du début à la fin de la soirée, Naâma a émerveillé ses fans, ses amis, ses compagnons de route, ses disciples et son public par ses mots émouvants, sa voix toujours en vie et sa palpitante mémoire. “La Tunisie est belle, la chanson tunisienne est ravissante, veillez à sa survie” c’est par des mots émouvants et chargés de leçons que la diva a partagé son amour pour la chanson tunisienne et pour la Tunisie, avec son public quelques heures avant l’annonce douloureuse du décès du président de la république Béji Caid Essebsi.
Animée par le conteur Abdessattar Amamou, la soirée a offert l’occasion de voir de plus près une des artistes du bon vieux temps, des plus connues de la chanson tunisienne qui, en dépit de la maladie, a témoigné à coeur joie que l’âge finalement n’a pas d’âge par la puissance et la pureté de sa voix éternelle.
En effet, le retour sur scène de Naâma après une grande éclipse, fut en lui-même un évènement de taille. La chanteuse prodige, qui a vite été projetée au firmament des stars de la musique Tunisienne durant les années 70- 80, était entourée de ses compagnons de route mai aussi des artistes de la nouvelle génération : Soulef, Mohsen Raïes, Noureddine El Beji, Abdelwaheb Hannachi, Leïla Hjaïej, Nawal Ghachem, Aya Daghnouch, Rakia Nasr, Foued Ben Cheikh, Houssem Zaghdane, Sofiène Zaïdi et le talentueux violoniste Bechir Selmi… et en clap de fin la chanteuse Latifa Arfaoui.
L’historien de l’art, Abdessattar Amamou, en guise de maître de cérémonie est revenu sur le parcours de Naâma depuis son départ de son village natal d’Azmour au Cap Bon jusqu’à son installation à la Médina de Tunis qui lui donna la chance de fréquenter la Rachidia. Il a aussi donné l’occasion au public de prendre connaissance de la genèse de certaines chansons avec de forts témoignages de Naâma et des chanteurs présents.
Le concert retransmis en direct par la chaîne télé Al Wataniya I, a été assurée, côté musical par la Troupe Nationale de Musique dirigée par le Maestro Mohamed Lassoued, qui a été l’un des facteurs clé du succès de cette soirée.
Visuellement, tout au long de la soirée, le concert a été accompagné par la projection sur écran géant, des clips de Naâma, tournées au début de sa carrière et tirées des archives de la Télévision Nationale Tunisienne.
Aventurière à la voix haute bien frappée, entre force et fragilité, Naâma, qui s’est produite, le 24 juillet 2019 en exclusivité à Hammamet, a été adulée par le public. Ce fut un concert qui confirma ses talents d’artiste malgré une longue absence remarquée dans les festivals. En effet, rien n’a réussi à affadir l’éclat de son sourire qui irradie toujours son visage, et sa prestation magistrale a révélé encore une fois cette grande énergie, signe d’une immense sensibilité d’artiste.
Au grand bonheur de ses fans, elle a interprété des œuvres créées pour elle par les plus grands paroliers et compositeurs tunisiens en l’occurrence de ses chansons culte comme ” Houa Lasmar “, ” Om El Qad Touila “, ” Ya Zine Assahra “, ” Habibi ya ghali “, ” Toussamt fik el khir ” et autres comme les duos ” Finek ya Ghali “, issues d’une discographie qui compte plus de 700 œuvres.
Ce répertoire revisité a déclenché auprès du public un grand degré de passion et d’adhésion. L’interprétation de ces chansons a démontré les prouesses vocales de l’artiste et sa parfaite maitrise de ses envolées lyriques. Indémodables, les chansons présentées au public, furent un moment de pur bonheur aux esprits nostalgiques, donnant à savourer un moment musical frais, original et sans artifices.
L’aura de Naâma forçait aussi le respect d’un public qu’elle a su non seulement combler mais aussi susciter en lui l’amour et la reconnaissance pour sa classe, sa modestie et la solidarité dont la chanteuse faisait preuve durant toute sa vie.
De temps en temps, Naâma intervenait pour livrer quelques détails sur sa carrière et la naissance de certaines chansons interprétées dans différents contextes et concerts en Tunisie ou à l’étranger, et à interagir avec tous les chanteurs qui ont repris ses chansons et participé au succès de cette performance.
Le concert, auquel, a assisté le ministre des Affaires culturelles, a aussi été marqué par un geste de fraternité artistique qui s’est illustré par la présence massive de ses amis artistes de divers horizons.
La diva a aussi profité de la présence des médias pour les appeler à soutenir la chanson tunisienne et à l’imposer sur la scène nationale et arabe. Elle a par ailleurs exprimé sa joie d’avoir rencontré le public après de longues années assurant qu’elle se remémorera toujours de ces moments partagés avec lui ce soir là.
Dans ce concert historique qui restera gravé à jamais dans l’histoire du festival, Naâma, qui cherche toujours à ce que son art reflète sa personne afin que son public se sente proche d’elle comme elle-même se sent proche de lui sur scène, a été simplement sublime. Il a emporté les spectateurs dans un voyage artistique de haute voltige, qui n’a pris fin qu’à une heure tardive, soit à 1h30 du matin…avec une diva qui n’a épargné aucun effort pour donner d’elle même avec une générosité inégalée, pour savourer avec son public et son pays la beauté extrême de la musique et de la chanson tunisienne qui, “si elle est préservée peut aller très loin au delà des frontières et s’imposer comme il se doit dans les plus grandes sphères artistiques” a-t-elle signalé avant de quitter la scène …épuisée, elle n’a pas hésité un instant pour les prises de photos avec ceux et celles qui la chérissent ….