Grand habitué du théâtre tunisien, le metteur en scène libanais Majdi Bou Matar est de retour en Tunisie avec ” Amal “, une pièce de théâtre réalisée à partir d’un texte coécrit par un groupe d’acteurs.
Présentée, dimanche en début de soirée à la salle 4ème art à Tunis, dans le cadre du cycle de représentations de la Semaine de la Journée mondiale du Théâtre, “Amal” est une œuvre porteuse d’une profonde symbolique autour du monde dans lequel nous évoluons. Selon son réalisateur, cette pièce en anglais et en dialecte syrien avait pris six ans de préparation avant d’arriver à la version finale.
” Amal ” est le récit banal d’une famille syrienne contrainte à l’exil au lendemain de la révolution de 2011 pour se retrouver au Canada. Elle fait référence à cette notion révolutionnaire contre la main mise de régimes corrompus. Mais la révolution a cédé la place au chao qui règne aujourd’hui dans certaines parties du monde.
“Amal “, prénom du personnage d’une jeune fille qui signifie “Espoir ” en arabe, fait illusion aussi à cet espoir qui refuse de céder. Il est toujours là, même devant les drames auxquels était confrontée cette famille divisée par des guerres et des conflits qui la dépassent. Elle est ce questionnement autour des valeurs de l’époque, des concepts liés au colonialisme et de la résistance dans un monde de plus en plus cruel.
Issus de diverses cultures, des artistes sont réunis autour de cette œuvre abordant des évènements passés ou récents ayant fait de ce monde, un monde de naufragés, d’exilés, de réfugiés, de rescapés…
Le metteur en scène parle d’une “pièce canadienne par excellence qui s’adresse à un public canadien”. Fruit d’une production canadienne, “Amal” est aussi un cumul d’expériences de cet homme de théâtre libanais installé dans la ville de Kitchener au Canada.
Le nom de cette ville est aussi le nom du Lord Kitchener, un ancien chef militaire assez controversé de l’empire britannique qui avait notamment servi dans des pays de la région arabe et en Afrique du Sud. Ce nom est cité dans la pièce, à travers le personnage de la grand-mère qui lui impute la responsabilité des maux des populations autochtones et des guerres qui ont sévi et sévissent encore à cause du colonialisme.
Le personnage de la grand-mère incarne cette réalité d’une histoire qui se répète, en faisant allusion au fait que toute révolution naissante est vite avortée voire confisquée.
La différence entre les cultures des acteurs a été pour le metteur en scène le point de départ pour présenter un récit sur des histoires assez spécifiques sur la souffrance humaine. La colonisation ayant abouti à la division de la nation arabe en de petits Etats est une réalité qui, quelque part, s’assimile à celle des populations autochtones au Canada.
Pour Majdi Bou Matar, le théâtre demeure un révélateur de la spécificité de son environnement. Son idée est que plus le théâtre est ancré dans son environnement local, plus il a ce potentiel à atteindre l’universel.
Revenant sur les débuts de la pièce, il dit avoir fait la première de ” Amal” dans la ville de Toronto où elle a été “chaleureusement accueillie”. Pour sa seconde présentation, la pièce a été à Kitchener où à nouveau, elle a trouvé un large succès auprès du public, surtout qu’à l’époque, la ville accueillait près de 1500 réfugiés syriens.
” Amal ” relance le débat sur la révolution syrienne partie de la simple demande d’une démocratie pour finir en une révolution guidée par l’esprit rétrograde de Daech. Le résultat, un pays en ruine et des exilés dans les quatre coins du monde.