A sept, huit ou même neuf mois de grossesse, soit d’attente et d’espoir, et après un ou deux jours seulement de l’accouchement, les mères ont été mises au courant du drame, leurs nouveau-nés ont trouvé la mort subitement. Ils constituent les onze cas de décès enregistrés les 7 et 8 mars courant au Centre de gynécologie obstétrique de l’hôpital de la Rabta.
“C’est une double perte”, affirme une de ces mères expliquant que la mort de son nouveau-né demeure un mystère d’autant qu’elle n’a pas été informée précédemment, qu’il souffre d’un quelconque problème de santé. “Aujourd’hui, j’ai demandé son corps, elle (la direction de l’hôpital) m’a demandé de payer d’abord plus de 500 dinars (frais d’hospitalisation), car il n’a pas été encore enregistré dans le carnet des soins…”, a-t-elle confié.
Pour sa part, Neziha Rhili, une autre mère touchée par ce drame, a reçu le corps de son enfant, sans explication.
Cette femme originaire de Radeyef lance un appel de soutien à travers les différents réseaux sociaux dans sa principale revendication, en l’occurrence la reddition de compte pour tous ceux qui sont responsables de la mort de son nourrisson.
De leur coté, les agents de l’hôpital ont tenté de prendre chaque parent à part, pour l’informer de la mort de son enfant, lui avançant une explication, à même de le réduire au silence, comme l’hypoglycémie ou l’hypertension chez la mère pendant la grossesse. Ces parents, ont reçu les corps de leurs enfants en cartons, sans aucun respect pour la dignité humaine.
La mort des nouveau-nés serait due ” vraisemblablement à des infections sanguines ayant provoqué un choc septique “, selon les premiers éléments de l’enquête menée par une cellule de crise au ministère de la santé, lit-on dans un communiqué rendu public samedi soir.
Des échantillons ont été prélevés sur les nouveau-nés et le staff médical pour déterminer l’origine des infections.
Les échantillons prélevés ont été transmis à 3 laboratoires distincts pour identifier l’origine des infections et déterminer ainsi les responsabilités d’une manière catégorique, a précisé dimanche, à l’agence TAP, la directrice générale de la santé, Nabiha Borsali Falfoul.
Pour la Société tunisienne de pédiatrie, une infection nosocomiale sévère dont le point de départ est un produit d’alimentation parentérale, serait derrière le décès des nouveau-nés.
Par ailleurs, le parquet a ordonné samedi, l’ouverture d’une information judiciaire, pour identifier les circonstances des décès, d’après le porte-parole du Tribunal de première instance de Tunis, Sofiene Sliti.
Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui visitait l’hôpital Wassila Bourguiba à Tunis pour suivre cette affaire, a annoncé l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur ce drame, promettant de demander des comptes aux responsables.
Chahed a, par ailleurs, accepté la démission présentée, samedi 9 mars, par le ministre de la Santé, Abderraouf Cherif, suite à ce drame.
Une inspection médicale composée de 18 experts, de médecins et de pharmaciens de l’inspection, ainsi que des représentants du Laboratoire national de contrôle des médicament (LNCM), s’est rendue sur place et procédé, pendant la journée du samedi, à l’examen du déroulement du travail au sein de l’hôpital et pris des échantillons.
Le juge d’instruction s’est également, rendu à l’Hôpital pour mener l’enquête avec le staff afin de déterminer les responsabilités et identifier les auteurs des dépassements.
L’Organisation tunisienne des jeunes médecins, quant à elle, estime, dans une déclaration, que “ce drame est une nouvelle preuve de la détérioration du secteur de la santé publique en Tunisie et du peu de respect que voue le pouvoir politique à la vie humaine”.
Selon l’organisation, la responsabilité incombe au ministère de la Santé et au chef du gouvernement qui “s’est engagé à bloquer le recrutement dans le secteur de la santé jusqu’en 2022”, et à “licencier des dizaines de médecins et d’agents ce qui ne manquera pas d’enfoncer le secteur dans la crise”.
Elle a appelé l’Ordre des médecins à faire le suivi de toute enquête qui sera ouverte à ce sujet et à demander des comptes aux défaillants “aussi bien dans le cercle de pouvoir ou ailleurs “.
En dépit de multiples tentatives, l’agence TAP n’a pas pu entrer en contact avec la direction générale du Centre de gynécologie obstétrique de l’hôpital de la Rabta ou le Syndicat général des médecins et pharmaciens du secteur public ou le Conseil de l’Ordre des médecins.