La vice-présidente de la Commission des martyrs et blessés de la révolution, Yamina Zoghlami, a fait état de l’existence de “craintes réelles” concernant les archives des victimes des violations sous la dictature et les données personnelles livrées lors des auditions à huis clos devant l’Instance Vérité et de Dignité.
Elle souligné la nécessité de remettre cette archive écrite et audio-visuelle aux Archives nationales en l’absence d’un organisme ou d’une institution pour préserver la mémoire.
Zoghlami a déclaré à la presse, en marge d’une audition par la Commission des martyrs et blessés de la révolution (comité ad hoc) lundi après-midi au siège du parlement au Bardo de certains représentants d’organisations de la société civile et des familles de martyrs et de blessés, que la Commission tiendra une audition du directeur des Archives nationales dans le cadre de l’enquête sur certaines informations faisant état de manipulation des données à caractère personnel des victimes, y compris des déclarations du directeur chargé de l’informatique au sein de l’IVD à cet égard.
Elle a rappelé à ce propos la poursuite de l’examen de la question au sein des commissions parlementaires sur la loi relative aux données à caractère personnel, relevant la demande d’inclure dans la loi la protection des données à caractère personnel pour les victimes des violations, étant donné que la manipulation de telles données constitue un délit pénal.
S’agissant de la demande des familles des martyrs et blessés de la révolution de publier la liste définitive des martyrs et des blessés au journal officiel de la République tunisienne, Zoghlami a exprimé le soutien total de la Commission à cette demande, appelant la présidence du gouvernement à accélérer la publication de la liste “afin qu’elle ne reste pas l’otage des tiraillements politiques”.
L’audition a réuni des représentants du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ), l’Alliance tunisienne pour la justice et la réhabilitation, l’Association de la justice et de la réhabilitation, l’association des Tunisiennes ainsi que Laila Haddad, avocate des victimes de la révolution.
Les interventions ont porté sur l’accélération de la publication de la liste finale des martyrs et blessés de la révolution et le parachèvement du processus de la justice transitionnelle après son évaluation.
L’avocate Laila Haddad a estimé que l’absence de publication de la liste définitive par la présidence du gouvernement, malgré l’annonce de plusieurs dates, “n’est pas compréhensible et n’a pas de justification”, affirmant que “le traitement politique de ce dossier pourrait le dévier des droits des familles de martyrs et de blessés”.
Elle a indiqué que la plupart des dossiers est vide et rend difficile la révélation de la vérité, outre le refus des accusés d’assister aux audiences et le non-respect des décisions de justice, ce qui consacre l’impunité, rappelant que la Cour de cassation avait récemment décidé que le pouvoir judiciaire militaire devrait finalement renoncer aux affaires des martyrs et blessés de la révolution et de les soumettre aux juridictions spécialisées en justice transitionnelle.
A leur tour, des représentants d’organisations de la société civile ont évoqué la question de l’insuffisance des juridictions spécialisées, qui sont actuellement au nombre de 13 seulement, pour examiner des milliers de dossiers. Ils ont également soulevé le problème de la prise en charge à plein temps des ces dossiers par les magistrats qui n’ont pas perçu de contre partie matérielle ou primes au titre des procès de la justice transitionnelle.
Ils ont également évoqué les problèmes et les risques rencontrés par les juges des juridictions spécialisées dans la justice transitionnelle, en particulier de la part des parties accusées de violations.
Les membres de la Commission, dont la présence était limitée au vice-président, au rapporteur de la Commission et à deux députés seulement, ont estimé que le retard dans la publication de la liste n’était injustifié et pouvait susciter des doutes, notant que le processus de justice transitionnelle ne se limitait pas aux travaux de l’IVD et devait continuer jusqu’à ce que la vérité soit révélée et que les victimes soient rétablies dans leurs droits et que les personnes impliquées dans des violations donnent des comptes.
La deuxième partie de l’audition a été consacrée à l’écoute de la présidente de l’association des martyrs et blessés de la révolution Lamia Farhani et à des représentants des familles qui ont organisé un sit-in devant le siège de l’Assemblée des représentant du peule au Bardo pour demander la publication de la liste officielle des martyrs et blessés de la révolution. Ils ont critiqué le mutisme du gouvernement à l’égard de cette affaire malgré l’achèvement de toutes les procédures juridiques y afférentes.
Farhani a indiqué qu’elle avait refusé d’assister à l’audition de représentants de la société civile et d’organisations nationales, accusant les “avocats en mission, y compris Laila Haddad”, d’avoir causé le retard dans le dossier des victimes et de l’avoir manipulé “. Elle a renouvelé la demande “d’enquête sur ce dossier pour révéler la conspiration dont il a fait l’objet”.
A leur tour, les familles des martyrs et des blessés ont exigé la publication de la liste définitive pour rendre justice aux victimes, en particulier à la lumière des difficultés auxquelles elles sont encore confrontées et du “manque de sérieux” dans le traitement des dossiers de leurs proches, plus de huit ans après la révolution.