Chez les deux voisins francophones, la France et la Belgique, mais aussi au Québec, l’éducation au théâtre est un processus assez long qui avait commencé depuis les années 68.
L’évolution dont Emile Lansman, formateur et éditeur théâtral belge assez connu dans le domaine, en était témoin, s’était confrontée à plusieurs questionnements par souci d’assurer une évolution certaine de ce genre d’art. Les jeunes sont souvent amenés à pratiquer le théâtre selon des codes reconnus qu’ils adoptent à l’âge adulte.
Présent à Tunis dans le cadre des Journées Théâtrales de Carthage (JTC) 2018, Lansman a donné jeudi une conférence à l’espace Mahmoud Messaadi, autour du théâtre et l’éducation.
Concernant le théâtre tunisien, il formule son constat autour de “formes d’esthétique et de recherche qui quelques part m’intéressent”, dit-il. Cependant, il admet ne pas arriver à les bien cerner. Ceci s’explique chez lui par la barrière de la langue surtout que la majorité des oeuvres sont en arabe.
Ce qu’il préfère, c’est surtout des projets qui vont assez loin et se concrétisent sur le plan de la forme et du fond. Il constate “une certaine incohérence entre les intentions clairement exprimées et la réalisation sur le terrain”.
Son impression est autour d’un travail de création qui s’arrête trop tôt ou qui n’a pas eu le temps nécessaire de former et de sensibiliser les intervenants dans le spectacle, au niveau des acteurs, des scénographes, de la direction d’acteurs…
Des incohérences et des lacunes qui sont dues à ce qu’il appelle “une timidité de l’approche”. Les oeuvres sont souvent parties de fables ou de classiques pour arriver au monde d’aujourd’hui par des adaptations revisitées qui sont non seulement textuelles mais aussi de mise en scène.
Des deux côtés de la Méditerranée, il fait état de grandes différences. “on n’a pas les mêmes spectacles mais on a les mêmes préoccupations dans un théâtre assez contemporain qui se fait avec une touche locale”, a-t-il estimé, en parlant du théâtre tunisien.
Entre les pratiques théâtrales pour jeunes en Occident et en Tunisie, ce spécialiste du theatre francophone fait état d’une grande différence. Pour lui, le talent qu’on les artistes tunisiens comme adultes doit aussi se transcrire au niveau du théâtre jeune.
Il a relevé également que les préoccupations du plaisir immédiat doivent exister aussi. Il estime que “les codes et les règles du jeu ne sont pas forcément assimilés par le public”. Un constat visible “au moment du salut vers la fin du spectacle.”
Loin d’être un moment pour évaluer la qualité du travail, les moments de salut constituent “une sorte de récompense qui alimente l’ego mais aussi à l’inquiétude de l’acteur”, selon Emile Lansman. Ceci lui permet de savoir si son interprétation s’est bien passé ou non ou si le message a pu être reçu par le public présent, a souligné ce médiateur assez sollicité en Europe comme en Afrique.
Il préconise une véritable réflexion sur ce qu’on veut dire et comment le dire. Le souci est aussi autour de l’environnement du spectacle (bruit des téléphones mobiles..) qui n’encourage pas à tirer profit d’une expérience et d’échange implicite avec les acteurs sur scène.
Toute une éducation est derrière ces points assez significatifs dans la réalité de la pratique dans le théâtre qui se refait d’ailleurs en Occident aussi, assure l’hôte des JTC.
En tant que spécialiste, il est souvent appelé à des préparations de carnets de spectacles autour des codes à suivre dans la relation public-scène.
Autour de sa conception du théâtre tel qu’il existe en Occident et en Afrique, il prone un théâtre au pluriel pratiqué en Europe où “il existe diverses formes de théâtre jouées également par de diverses compagnies et sur des lieux différents”.
Il revient sur les grandes catégories de théâtre mais affirme la persistance d’un théâtre esthétique qui essaye de valoriser parfois de manière outrancière le côté plastique des oeuvres.
En Afrique et en particulier en Afrique subsaharienne, ill pense qu’il a toujours existé un théâtre qui parle du monde actuel, pour dénoncer les travers du monde, les dirigeants d’hier et d’aujourd’hui…
Sur le Continent, il existe tout un mouvement de compagnies qui font des textes contemporains et parlent du monde actuel. Emile Lansman évoque là un genre de théâtre de l’urgence mais de l’urgence traitée avec une certaine distance artistique.