“Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux, la langue française”, disait l’ancien président sénégalais Léopold Sédar Senghor et père fondateur de la francophonie dont il avait oeuvré à édifier institutionnellement aux côtés de son homologue tunisien, Habib Bourguiba.
Les valeurs de partage et de communion sur lesquelles étaient fondée l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se sont manifestées et renforcées à travers la culture et le cinéma, en particulier, devenus incontestablement un outil de rapprochement entre les peuples du Continent. L’Afrique est rassemblée autour des deux festivals de référence, le Festival panafricain du cinéma et de la télévision d’Ouagadougou au Burkina Faso (Fespaco) et les Journées cinématographiques de Carthage (JCC) en Tunisie.
Le Sénégal aux JCC est aujourd’hui une histoire qui dure. Elle était tissée il y’a plus de 5 décennies, depuis le 1er Tanit d’or décerné au film franco-sénégalais “La Noire de…” d’Ousmane Sembène, réalisateur africain emblématique. De ce pays, venait le compagnon de route de Tahar Cheriaa qui était parmi les membres fondateurs des JCC en 1966.
La reconnaissance des JCC 2018 pour le rôle du cinéma sénégalais se présente sous forme d’un un “Focus” formé d’oeuvres de ce pays qui a toujours été présent au festival. Une présence permanente confirmée par Nejib Ayed, directeur général des JCC, lors de la cérémonie inaugurale du “Focus Sénégal” organisée lundi soir à la salle Africa à Tunis.
Des musiciens sénégalais ont offert une partition musicale en présence d’une délégation d’officiels, de réalisateurs et d’acteurs hôtes, pour ne citer que le ministre de la Culture Abdou Latif Coulibaly et l’ambassadrice du Sénégal à Tunis, Ramatoulaye Ba Faye.
Le Sénégal parmi les 4 pays à l’honneur aux JCC, est présent notamment parmi des oeuvres qui ravivent le souvenir et le partage en commun des deux pays du cinéma et de la francophonie, ce que le ministre des Affaires Culturelles Mohamed Zine El Abidine a qualifié d’une “belle tradition dans l’imaginaire et le collectif africain et tuniso-africain”.
Le ministre a, à cette occasion, fait référence à “cette mission d’une Afrique ouverte qui s’exprime aujourd’hui à travers le cinéma et l’image emblématique de ce grand Continent, représentation de ce que nous sommes”.
Pour son homologue sénégalais, les relations sénégalo-tunisiennes ont des racines dans l’histoire et la culture. La présence du Sénégal aux JCC, a-t-il précisé, succède à celle de la Tunisie parmi les pays invités d’honneur de la 13e Biennale de l’art africain contemporain de Dakar.
Le film inaugural de la section “Focus Sénégal” a été “Le Prix du Pardon” (Ndeysaan), premier long métrage du réalisateur Mansour Sora Wade. 36 ans après la consécration de son compatriote Sembène, ce réalisateur est le second dans l’histoire du cinéma sénégalais à avoir remporté le Tanit d’Or des JCC en 2002.
Wade a été accompagné de l’actrice de Rokhaya Niang, primée à 3 reprises aux JCC et membre du jury de la compétition première oeuvre, Prix Tahar Cheria en 2017.
Le réalisateur a rappelé à cette occasion que le cinéma africain constitue une “grande fierté de notre propre culture commune, nos imaginaires collectifs et nos engagements respectifs par rapport au devenir d’un Continent en pleine mutation”.
Une liste de 14 films a été sélectionnée dans “Focus Sénégal” dont certains ont été auparavant primés, comme “La Pirogue”, fiction de Moussa Touré ayant remporté l’année de sa sortie le Tanit d’Or et le prix du public aux JCC 2012.
Ousmane Sembene sera présent à travers “Camp de Thiaroye” (1988), un film de mémoire qui revient sur un épisode douloureux de la libération du colonialisme français. Le thème de cette fiction lui a valu d’être récompensée par le prix spécial du jury à la Mostra de Venise et le prix de l’Unicef.
Du réalisateur Djibril Diop Mambety, seront projetées trois oeuvres dont deux courts-métrages, “La Petite Vendeuse de Soleil” (1999) et ” Parlons Grand- Mère”. Le troisième film est son long-métrage “Touki Bouki” (Le Voyage de la Hyène) qui a remporté en 1973 (année de sa sortie le prix de la critique internationale au festival de Cannes et le prix du festival international de Moscou.
Il est à noter qu’en dehors du Focus, le Sénégal, “pays de la Teranga” (hospitalité), sera présent dans la compétition officielle par le long-métrage documentaire “Rencontrer Mon Père” de Alassane Diago et deux courts-métrages “Nooteel”, d’après un scénario, réalisation et montage de Pape Abdoulaye Seck et “Kédougou” de Khouma Gueye. Le critique de cinéma sénégalais Thierno Ibrahima Dia est l’un des membres du jury de la compétition longs-métrages et courts-métrages documentaires aux JCC 2018.