Après sa projection en avant-première mondiale à la clôture du Festival de Cannes 2018, “L’Homme qui tua Don Quichotte” du réalisateur britannique Terry Gilliam a été projeté, jeudi soir, à la Cinémathèque Tunisienne.
La première scène de “The Man Who Killed Don Quixote”, titre original du film, revient sur cette image de Don Quichotte en combat contre les moulins à vent et un jeune réalisateur qui dirige ses acteurs.
Cette oeuvre est un film dans le film puisque que le personnage est un réalisateur de publicité (Toby Grisoni) qui revient en Espagne, sur le lieu de tournage d’un film d’école qu’il avait réalisé des années auparavant, alors étudiant en cinéma.
Dans un lointain village espagnol et des décors semblables à ceux du 16eme siècle, il est de retour pour un spot de publicité et renoue contact avec les villageois ainsi que l’homme avec qui il a travaillé son projet de film. Il constate les ravages de son dernier passage et le rêve brisé des villageois. Le cordonnier qui interprétait le personnage de “Don Quichotte” avait fini par prendre son rôle très au sérieux comme étant le véritable Don Quichotte dans le roman de Cervantes.
Dans sa version du personnage de Don Quichotte de la Manche, le cinéaste américain naturalisé anglais opte pour une écriture cinématographique qui se nourrit de l’imaginaire et des valeurs perdues dans notre époque. Le chevalier errant continue sa quête dans le monde, dans l’espoir de sauver les plus vulnérables des dangers qui les guettent.
Terry Gilliam renvoie le spectateur vers le monde du roman de Cervantes et ses valeurs chevaleresques dans une sorte de mise en scène et une adaptation surréaliste et hilarante qui dresse le portrait d’un Don Quichotte à peine sorti de l’histoire pour se projeter dans le monde actuel.
Ses personnages sont injectés dans un cadre historique quelques part identiques à celui de l’époque de Don Quichotte dans le roman. Don Quichotte dans ce film est à l’image de celui du roman, un homme habité par le rêve. Le film offre une version nostalgique des valeurs chevaleresques que prônait Don Quichotte de Cervantes. Il est décrit par la critique comme une oeuvre qui converge dans le thème de prédilection du réalisateur et ressemble à l’ensemble de son œuvre faite autour du rêve et de l’antihéros.
Le nouveau Don Quichotte de Gilliam a d’ailleurs divisé la critique entre appréciation et refus de la folie du réalisateur et d’un scénario à la structure assez gênante pour certains.
Cette fiction de 132 mn sortie en 2018 est une coproduction entre l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, la Belgique et la France. Parallèlement à sa projection du 19 mai dernier à Cannes, le film était sorti en France puis dans divers pays européens.
Ce film frappé par la malédiction, d’après plusieurs médias occidentaux, avait failli ne pas être projeté pour des désaccords notemment sur le visa d’exploitation.
Comme l’a rappelé Hichem Ben Ammar, directeur artistique de la cinémathèque, ce film a été réalisé avec beaucoup de difficulté”. Depuis la naissance de l’idée chez le réalisateur d’aborder le personnage emblématique de Cervantes, il a fallu près de 18 ans pour que le film soit présenté au public.
Il a mentionné qu’il ne s’agit pas du seul film dans le monde à avoir pris autant de temps et rencontré des difficultés à être produit, spécialement ceux sur le chevalier errant, Don Quichotte de la Manche. Avant Terry Gilliam, le réalisateur Orson Welles a été confronté au même retard pour la production de son film “Sous Le Ciel De Quichotte” dont le tournage avait commencé en 1952 et n’a pris fin qu’en 1992.
Pour le critique de Cinéma, Kamel Ouanes, “le cinéma de Terry Gilliam est assez particulier. Il s’inspire un peu de l’univers de Don Quichotte et s’articule autour de cette idée que la libération de l’Homme passe par l’imagination”. C’est aussi ce que Ouanes appelle une “confrontation entre le rêve, l’imaginaire et la mythologie qui inspirent Don Quichotte et la pesanteur du monde d’aujourd’hui et tous ses obstacles”.
Ce films entame le cycle “Un Week-end avec Don Quichotte” dans le cadre de la manifestation “Don Quichotte à la Cité” où tous les arts sont à l’honneur pour fêter l’oeuvre de Cervantes.
Avec l’appui de l’ambassade d’Espagne et l’institut Cervantes à Tunis, la Cinémathèque prévoit aussi la projection de “Don Quichotte” de Georg Wilhelm Pabst (1933), “Sous Le Ciel De Quichotte” de Orson Welles & Jesus Franco (1992) et “El Caballero Don Quijote” de Manuel Gutiérrez Aragon (2002).