C’est l’année 1968, l’Italien Carlo Fioretti en chapeau rouge, posait pour une photo avec des enfants de Hergla curieux de voir les membres du film “Les Actes des Apôtres” du réalisateur Roberto Rossellini sur leur village. Cinquante ans plus tard, l’ancien assistant photo de Rossellini garde le même chapeau, à la main, et pose devant cette même photo.
Elle est visible dans l’exposition intitulée “Verglas ville ouverte pour Roberto Rossellini, août- décembre 1968”, inaugurée en cette 13ème édition des Rencontres cinématographiques de Hergla, à la maison de la Culture de la ville.
Dans une interview accordée à l’agence TAP, Carlo Fioretti, 71 ans, l’ancien caméraman directeur de photo, est revenu sur ses moments de jeunesse à Hergla qu’il garde intactes dans sa mémoire de ses débuts d’assistant, photo qui accompagnait son père, Mario Fioretti, sur le tournage des films.
Actuellement à la tête d’une compagnie de création et de distribution de matériel pour les professionnels du cinéma, il est de retour en Tunisie pour la quatrième fois de sa vie,- et la première à Hergla depuis 1968, pour présenter une exposition inédite dans le cadre de cette édition 2018 placée sous le signe de la restitution de la mémoire cinématographique.
Fioretti était sur le tournage du téléfilm “Les Actes des Apôtres” qui figure au programme des Rencontres. Il était produit à l’époque pour quatre chaînes de télévision dont deux italiennes (Rai et Radio Televisione Italiana), une française (ORTF) et une allemande (Bavaria Film Studio).
Des coulisses de tournage du film et des photoreportages réalisées sur des lieux entre Sousse, Monastir, Kairouan et Hergla, il garde des souvenirs toujours vifs. Il évoque les détails des moments de tournage qui ont durés près de quatre mois entre plusieurs sites de ces villes de Tunisie.
Initialement, le tournage devait avoir lieu en Palestine. Rossellini avait signé pour réaliser un téléfilm de 5 épisodes. C’était en 1967 quand Carlo Fioretti accompagnait son père sur le tournage d’un autre téléfilm (La Nuit de l’Homme pour la Survivance) de Rossellini en Egypte.
L’équipe avait dû quitter avec le début de la guerre de six jours entre Arabes et Israéliens.Hergla était choisie pour sa proximité de l’Italie après repérages des lieux avait conclu à une ville qui répondait aux besoins du thème du tournage avec ses paysages et maisons qui ressemblaient à celle du temps de Jésus.
Fioretti rappelle le thème du film “sur l’histoire d’Evangiles laquelle les Apôtres, persécutés par les hébreux et les romains, sont alors devenus une force qui a permis de voyager jusqu’à Rome porter le message de Jésus à tout le monde en cette période de l’antiquité”.
Il a côtoyé une époque où les conditions de tournage étaient assez dures et le matériel cinématographique nécessitent un entretien assez fréquent. Il vous embarque aisément dans l’univers fantastique du 7ème Art et les trucages utilisées pour filmer certaines séquences.
Ses photos immortalisent des moments insolites d’une histoire lointaine du début du cinéma dans une Tunisie fraîchement indépendante, devenue destination privilégiée pour beaucoup de tournage européens.
L’exposition constitue un véritable témoin d’un des films cultes du cinéma italien et recèle de tant d’indices sur le vécu des populations de ce village jadis pauvre et oublié du système.
Ce qu’il a pu garder de Hergla des années 60? Pour Carlo Fioretti, “un village pittoresque et des gens pauvres mais qui avaient tant de dignité”.
Les tournages permettaient d’engager des acteurs et des figurants tunisiens. “Nacer Gtari et Hedi Besbes étaient des aides metteurs en scène sur le film, ce qui avait aussi aidé les italiens sur les lieux de tournage”. Dans cette production réalisée avec le soutien de l’Allemagne et la France, les Italiens étaient une cinquantaine de personnes entre acteurs et techniciens spécialisés.
Sur le plan technique, il fait référence à un travail de plusieurs “heures de visionnage pour le traitement de kilomètres d’enregistrements” et rappelle les conditions de tournage qui “n’étaient pas évidentes avec la poussière, les mouches et les aléas climatiques”. Un long processus accompagnait le traitement des images et le montage des séquences filmées, aujourd’hui disparu avec l’avènement du numérique.
Sur le tournage, Fioretti était toujours prêt à prendre des photos. Au bout des quatre mois passés en Tunisie, il se trouvait avec plus de 800 photos en couleurs. Quelques mois auparavant, il dit avoir fait le tri des photos du négatif bien conservé chez lui.
L’homme est largement en copie avec les dernières technologies notamment la photographie, une passion qui l’habite toujours, prêt à immortaliser chaque instant qui interpelle sa curiosité de photographe.