Jeudi 2 août 2018, les habitants du Grand Tunis ayant l’habitude de prendre, chaque fin d’après midi, l’un des moyens de transport public pour rentrer chez eux, après une journée de dur labeur, ont vu leur habituel calvaire –bus et métros bondés et en retard- prolongé. Par la faute des agents de la Société de Transport de Tunis (Transtu) qui ont déclenché à partir de 15h45 une grève –ouverte, de surcroît- pour tous les moyens de transport et lignes, à l’exception de ceux desservant la ligne Ben Arous-Tunis.
But de ce débrayage : exercer des pressions sur la direction générale de la société qui avait demandé un délai pour voir si ses moyens permettaient de satisfaire la demande de prêt, ou d’avance sur salaire, de 200 dinars formulée par les agents. Cet événement, rapidement «enterré», est choquant à plus d’un titre.
D’abord, le prêt, ou l’avance, n’est pas un droit acquis. C’est une possibilité dont la société peut accepter de faire profiter ses employés lorsque ses moyens le permettent. Ensuite, la grève, circonstance aggravante, a été déclenché sans préavis, prenant au dépourvu non seulement la direction générale de la Transtu mais, surtout, ses clients. Qui, avertis, auraient essayé de prendre leurs dispositions pour trouver une solution de rechange. Enfin, plus grave, l’UGTT n’a rien fait pour empêcher la grève ou, après coup, pour sanctionner ses auteurs. Bien au contraire, la centrale syndicale historique a justifié l’injustifiable.
Farouk Ayari, secrétaire général de l’Union régionale du travail de Tunis, a qualifié ce débrayage sauvage de «comportement spontané venu en réaction au fait de ne pas avoir accordé une avance sur salaire à l’occasion de l’Aïd Al Idh’ha».
Ayari affirme également que le syndicat est arrivé à un accord à ce sujet avec le président directeur général, mais que celui-ci est revenu sur cet accord lors d’une réunion ayant eu lieu jeudi.
De même, le bureau exécutif de la Fédération du transport de Tunis avait invité, mercredi 1er août 2018, «l’ensemble des structures syndicales de la Transtu, à une réunion urgente, samedi 4 août, pour débattre de “la détérioration de la situation générale au sein de la Société et l’atermoiement de la Direction générale dans la mise en application des accords et PV conclus avec les structures de l’UGTT”.
Bref, l’ambiance entre les syndicats et la société Transtu n’était pas au beau fixe avant le déclenchement de la grève. Mais cela justifie-t-il le débrayage sauvage ? Bien sûr que non. Surtout venant de la part d’une UGTT qui aime à s’ériger en défenseur de la veuve et de l’orphelin et de l’intérêt national.
L’incident du 2 août 2018 veut-il dire que la centrale syndicale, dont le secrétaire général, Noureddine Taboubi, avait qualifié de sauvage la grève des conducteurs de la SNCFT de mai 2018, et réitéré son rejet de ce genre d’écart, va désormais le tolérer mais l’encourager –ne serait-ce que par manque de fermeté ? Si c’est le cas, le débrayage du 2 août 2018 ne serait pas un simple accident de parcours, mais l’amorce d’un dérapage de la part de l’UGTT. Un de plus.
Moncef Mahroug