La décision du président de la République de suspendre les concertations autour du Document de Carthage II est venue aggraver la crise politique dans le pays, a estimé, mercredi 30 mai, l’historien et analyste politique Abdellatif Hannachi.
La crise a pris de l’ampleur après l’intervention hier soir du chef du gouvernement Youssef Chahed sur la chaîne TV Al-Wataniya 1 à propos de Nidaa Tounes, a déclaré Hannachi à l’agence TAP. Pour lui, “La situation devient plus pesante”.
La situation dans le pays est précaire et la crise politique ne peut pas continuer, a ajouté l’analyste politique, notant que la crise dans le pays touche les volets économique et social outre l’aspect politique et partisan qui a pris de l’ampleur depuis l’idée de lancement du Document de Carthage II, initialement avec pour objectif d’engager les réformes nécessaires.
Limoger Youssef Chahed n’est pas aujourd’hui une question aussi simple du moment qu’au sein même de Nidaa Tounes une partie est pour son maintien à la tête de la présidence du gouvernement, a-t-il dit.
Cela est valable aussi pour des groupes parlementaires à l’instar du bloc d’Ennahdha (68 députés) dont la position est en harmonie avec son parti.
D’après lui, Youssef Chahed représente désormais tout un courant à l’intérieur de Nidaa Tounes.
Lundi dernier, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a décidé de suspendre les concertations sur le Document de Carthage II à “cause des divergences de vues autour du 64e point relatif au remaniement ministériel.
Ce point a divisé les parties prenantes du Document, entre ceux qui appellent à un changement radical du gouvernement incluant le chef du gouvernement et ceux qui proposent un remaniement partiel.
La suspension du Document de Carthage II a créé des désaccords opposant ses partenaires. Le premier entre l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et le mouvement Ennahdha.
Alors que le mouvement Ennahdha a exprimé son attachement au maintien de Youssef Chahed en opérant quelques changements dans l’équipe gouvernementale; le syndicat (UGTT) et le mouvement Nidaa Tounès appellent à la dissolution du gouvernement Chahed et la formation d’un nouveau cabinet.
En réaction à la décision de suspension des concertations sur le Document de Carthage II, le secrétaire général de l’UGTT a déclaré que l’organisation ouvrière “n’a plus aucun engagement” alors que le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, a insisté sur la notion de réforme dans la continuité du gouvernement, étant convaincu qu’à l’heure actuelle, le changement ne sert pas l’intérêt de la Tunisie.
Selon lui, le pays, qui vit une conjoncture délicate au vu de la situation économique et financière, a besoin de réformes plutôt que de faire tomber le gouvernement.
Le deuxième désaccord a éclaté entre le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, et le chef du gouvernement, Youssef Chahed.
Pour rappel, le premier avait posté sur sa page dans les réseaux sociaux que la position du parti concernant le remaniement ministériel a été dictée par la crise économique, les tensions sociales et la chute du capital confiance des politiques.
Mardi soir, Youssef Chahed a tenu le directeur exécutif de Nidaa Tounes pour responsable de la détérioration du parti.
“Hafedh Caïd Essebsi et son entourage ont détruit Nidaa Tounes, obligeant un grand nombre de ses militants et compétences de le quitter”.
S’adressant aux Tunisiens sur la chaîne de télévision nationale “Al-Wataniya 1”, Chahed a estimé “qu’il est temps de mettre en place un processus de réforme au sein du parti afin de lui permettre de regagner la confiance des tunisiens et sa position en tant qu’acteur de premier plan au service de l’intérêt national”.
“Le parti n’est plus ce qu’il était en 2013 “, a jugé Chahed, ajoutant que les dirigeants actuels de Nidaa Tounes l’ont mené d’une défaite à l’autre à commencer par la perte de sa position en tant que premier bloc parlementaire, outre sa défaite lors des élections partielles en Allemagne et les dernières municipales aux cours desquelles le parti a perdu près d’un million de voix.
Pour Chahed, les dirigeants actuels de Nidaa Tounes représentent un frein face à l’unification de la famille démocrate. “Les différentes structures du parti sont aujourd’hui bloquées”, a-t-il affirmé, évoquant l’absence de réunions depuis plus de deux ans.
“J’ai évoqué la crise actuelle au sein parti Nidaa Tounes, car elle n’est plus une affaire interne, mais elle constitue une menace pour les structures de l’Etat”, a indiqué Chahed, ajoutant que ce sujet est, “désormais une affaire nationale, d’autant plus que la faiblesse de ce parti aura des répercussions certaines sur l’équilibre politique et le processus démocratique dans le pays”.