Adel Bouhoula vient d’être limogé de son poste de directeur général du Centre National d’Informatique. En apparence, rien d’annormal. Sauf que l’intéressé ne l’a appris que par médias interposés, lesquels citent un communiqué à travers lequel il (Bouhoula) tente de comprendre les raisons de son limogeage par le ministère des TIC, malgré un état de service irréprochable :
«J’ai pris acte du communiqué sur le Web du 15/05/2018 concernant la nomination d’un nouveau directeur général du Centre National d’Informatique (CNI) alors que bizarrement, je n’ai pas été informé personnellement en tant que directeur général actuel du CNI. Face à cette situation rocambolesque, je me suis demandé pourquoi il en est ainsi.
Peut-être à cause de ma proposition d’éloigner les employés ayant une appartenance politique déclarée de la gestion directe des applications manipulant des données sensibles. Non pas que je doute de leurs impartialité et intégrité mais afin de les protéger en cas de problèmes et afin de préserver la crédibilité du centre. Ce dernier critère doit être à mon sens la valeur intrinsèque de l’entreprise.
Peut-être à cause du service d’édition de l’extrait de naissance en ligne qui n’a pas été déployé le 16 avril 2018 tel annoncé par le chef du gouvernement le 28 mars 2018. En effet, un prototype a été développé et présenté par le CNI; mais le Ministère a adressé un traitement d’indifférence aux employés du CNI en passant leurs efforts dans le développement du prototype sous silence dans le communiqué officiel. En plus, l’annonce, suite au conseil stratégique de l’économie numérique le 29 mars 2018, de l’accélération de la création de l’agence du développement du numérique (ADN), a créé une atmosphère d’indignation et de protestation parmi la grande majorité des employés du centre qui croient que les objectifs de l’ADN se croisent avec ceux du CNI.
Ceci a freiné le développement du service. De surcroît, le déploiement de ce dernier nécessite le dévouement de plusieurs intervenants externes au centre et qui jusqu’au jour d’aujourd’hui n’ont pas honoré leurs parts du travail. En sus, même si le déploiement du service est terminé, il ne pourra pas être exploité directement à cause de l’absence d’un cadre juridique réglementaire régissant l’opération et le manque d’outils de vérification de l’authenticité et de l’intégrité de l’extrait de naissance édité chez les services bénéficiaires.
Ou peut-être à cause de ma réticence concernant le fait de prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre des employés du centre participants à des manifestations de protestation journalières. Sachant que les éventuelles sanctions pourraient toucher la majorité du personnel, j’ai considéré sage de ne pas envenimer la situation afin d’assurer le bon déroulement des activités critiques du centre : assurer le bon déroulement des élections municipales, la continuité des services de traitement des salaires des fonctionnaires de l’Etat, gestion du budget de l’Etat, etc.
Ou peut-être à cause de la non-préparation du cahier des charges pour l’acquisition d’une plate-forme d’interopérabilité. En effet, j’ai opté pour faire confiance au personnel du centre afin de développer et mettre en place avec leurs propres moyens cette plate-forme en open source, au lieu de l’acheter et en faisant appel à des experts en la matière. Ce choix fait gagner d’énormes dépenses à l’Etat et permet au centre de maintenir durablement les différents composants de la plate-forme. Effectivement, le centre a réussi à déployer une première version de la plate-forme et de lancer quatre services en ligne à haute valeur ajoutée. Ceci permettra d’améliorer la classification de la Tunisie aux indices internationaux de l’administration numérique.
Ou peut-être à cause de ma démarche de lancer des appels à candidature pour des postes de directeurs afin de sélectionner les meilleurs. Contrairement aux agissements en vigueur totalement subjectifs.
Ou peut-être à cause de la relation entre le CNI et le ministère de tutelle qui pourrait interférer lorsqu’il faut respecter le droit de réserve concernant les informations des clients du centre et qui sont protégés par des accords bilatéraux. Sachant que nulle n’est censé exécuter des ordres en dehors des limites imposées par la loi.
Je ne sais vraiment pas. Et ceci est d’autant plus frustrant en sachant que lorsque j’ai accepté ma position au CNI, ce n’était ni pour le salaire qui est au deçà de celui de Professeur de l’Enseignement Supérieur, ni pour les honneurs vu que j’ai délaissé ma position de Professeur visiteur dans plusieurs universités internationales dont notamment la prestigieuse université japonaise de Tsukuba (depuis plus de 10 ans). Mais bel et bien pour servir le pays, en avançant le plus loin possible dans le processus de numérisation des services de l’état, afin d’économiser le temps des citoyens et les ressources de l’état.
Je comprends maintenant pourquoi la plupart des talents et esprits vifs de la Tunisie refusent d’assurer les postes de responsabilités.
Tunis le, 17 mai 2018 »
Biographie du Pr. Adel BOUHOULA
Adel BOUHOULA est Professeur de l’Enseignement Supérieur à l’Ecole Supérieure des Communications de Tunis (Sup’Com) et Professeur invité à l’Université de Tsukuba au Japon après avoir assuré les fonctions de Directeur Général du Centre National de l’Informatique, Président Directeur Général de l’IRSIT et de Directeur de la Direction des Technologies de l’Information et des Réseaux au sein de Tunisie Télécom. Il a été notamment Chargé de Recherche de première classe à l’Institut National de Recherche en Informatique et Automatique (INRIA) en France et Chercheur invité à l’Institut de Recherche de Mitsubishi (MRI Tokyo) au Japon et à l’Institut de Recherche de Stanford (SRI International Californie) aux USA.
Adel BOUHOULA est Ingénieur en Informatique diplômé de la Faculté de Sciences de Tunis (major de la promotion 1990), il est aussi titulaire d’un DEA, d’un Doctorat (mention très honorable avec félicitations du jury) et d’une Habilitation à Diriger des Recherches en Informatique de l’Université Henri Poincaré de Nancy – France.
Adel BOUHOULA compte à son actif trois brevets d’invention et plus de cent quarante articles scientifiques dans des revues, des conférences et des workshops internationaux à comité de lecture et actes.
Adel Bouhoula a animé des séminaires dans plusieurs laboratoires et universités, notamment en France, en Grande Bretagne, en Italie, en Allemagne, en Chine, au Canada, aux USA et au Japon.
Adel Bouhoula a encadré notamment 11 thèses de Doctorat soutenues, 20 Mastères de Recherche soutenus et plusieurs étudiants japonais (de l’Université de Tsukuba) en stage à Sup’Com.
Adel BOUHOULA est actuellement le Directeur fondateur du Laboratoire de Recherche « Sécurité Numérique », le Président fondateur de l’Association Tunisienne de la Sécurité Numérique et le Président fondateur du Comité National de Pilotage de l’Olympiade Tunisienne de Résolution des Problèmes et de Programmation Compétitive. Il a été notamment membre du Comité de Haut Niveau pour les Sciences et la Technologie, membre de la commission de la Qualité de l’Internet en Tunisie ainsi que membre de la commission nationale de cryptographie.
Adel BOUHOULA a décroché en décembre 2016 le Prix d’Excellence de la Recherche Scientifique de l’Université de Carthage après avoir été classé Premier en Tunisie dans les disciplines « informatique » et « télécommunications ». Il a été également décoré Chevalier de l’Ordre de la République et Chevalier de l’Ordre National du Mérite dans le domaine de l’éducation et de la Science.
Adel BOUHOULA est âgé de 51 ans. Il est marié et père de 2 enfants.