L’une des plus grandes aberrations passées sous silence depuis au moins 3 ans et malheureusement concrétisée du temps où Farhat Horchani était ministre de la Défense nationale est l’aménagement, de nouveau, de mosquées dans les casernes !
Non pas que nos soldats doivent être privés de faire leurs prières en «jama3a» (ensemble), mais parce que pareil exercice peut poser problème lorsqu’on porte un uniforme et que nous sommes soumis à la hiérarchie militaire. Ainsi, un caporal peut-il conduire la prière du vendredi devant tous ses supérieurs hiérarchiques, depuis le sergent et jusqu’au général ?
Pouvons-nous, dans l’état actuel des choses, nous permettre d’assurer les 5 prières chaque jour, dans une caserne avec les risques que des centaines de soldats puissent se trouver dans un même endroit au même moment ? Ou est-ce que l’on peut faire la prière tout seul dans la mosquée pour éviter tout risque de se voir attaquer en grand nombre ?
Et nous en avons vécu dans les années 2013/2014 des attaques à l’encontre de casernes !
En 2011, le Président turc Erdogan avait prononcé un discours et en a profité pour clamer le poème d’un résistant kurde : «Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles sont nos casques, les mosquées nos casernes, et les croyants sont nos soldats». Les paroles de ce discours ont été écoutées et traduites en actes dans notre pays. Nous sommes même allés plus loin. Le poème, qui trouvait sa justification dans le fait que les Kurdes sont un peuple qui lutte pour avoir une terre et un Etat, a porté son écho dans un pays souverain qui n’a pas besoin de mosquées pour en faire des casernes mais où la manipulation, les lobbys et les pressions ont fait en sorte d’implanter des mosquées dans des casernes.
Dans tous les pays, «la pratique du culte ne peut permettre au militaire de déroger à ses obligations, tels que le devoir de réserve ou d’obéissance». Quelle est la garantie pour que, dans nos casernes, les ordres donnés par les supérieurs hiérarchiques ne soient pas supplantés par les ordres divins ?
Dans une armée soumise à des codes particuliers et fondée sur le respect de l’ordre et de la hiérarchie, le culte relève du domaine privé et un militaire «engagé ne peut arguer d’une objection de conscience, pour justifier un refus d’obéissance».
En Tunisie, bien que depuis l’indépendance les dirigeants aient pris la décision de tenir l’armée à l’écart de toute activité politique et de tout ce qui se rapporte à la vie civile, nous ne pouvons ne pas relever les positions du chef de la mouvance islamiste Nahdha pour ce qui est de l’armée nationale dont la célèbre citation «Al Jaych Mahouch madhmoun» (L’armée ne nous est pas acquise).
Tout récemment, les déclarations de Rached Ghannouchi à propos d’un «général fou» qui pourrait concocter un coup d’Etat ont suscité la colère de nombre de Tunisiens dont Mustapha Saheb Ettabaa, ancien officier supérieur de l’armée nationale et, aujourd’hui, homme politique qui s’est dit lui-même étonné de l’effarement de ses compatriotes : «Beaucoup se sont offusqués des paroles de Ghannouchi sur les généraux militaires dans cette campagne dite municipale. Ce que beaucoup ne savent pas est que les officiers sont une caste qui a son code d’honneur et qui a prêté serment pour servir la patrie et non des personnes. Ghannouchi connaît bien les forces armées, depuis les années 70, siègent dans son parti beaucoup d’ex-officiers sont présents et y militent depuis des décennies».
Y a-t-il des risques pour que des soldats endoctrinés ou formatés puissent, dans notre armée, refuser d’obtempérer ? Oui si nous revenons 50 ans en arrière.
Saheb Ettabaa a rappelé que la première implication d’officiers islamistes dans la vie politique date du coup d’Etat sécuritaire prévu pour le 8 novembre 1987 et court-circuité par Zine El Abidine Ben Ali qui a pris les devants le 7 novembre. La deuxième a été en 1991 dans la grande affaire baptisée “barraket Essahel“ et dans laquelle nombre de personnes innocentes dont des officiers ont été jugées ! «Avant 1991, il y avait des mosquées dans les casernes, mais depuis, il n’y en a plus eu jusqu’à la convention Farhat El Horchani qui plus est, et c’est grave, permet à des imams du dehors de l’enceinte militaire d’assurer les rituels religieux».
Aujourd’hui, quelles sont les garanties pour que l’armée garde sa posture de neutralité ? Nombre d’observateurs assurent que les risques sont minimes même s’il y a des officiers qui ne cachent pas leur couleur politique. «Mais ils ne sont pas très nombreux et l’allégeance de l’armée tunisienne va à la patrie et seulement à la patrie».
Amen
A.B.A