Les coulisses du palais, les méandres du pouvoir et les rouages de la diplomatie lui sont tous familiers, sans secret et assez proches. Fort d’un passé assez riche en tant que politicien et diplomate aiguisé, Hédi Baccouche est un homme dont la présence aujourd’hui est d’une valeur inestimable avec toute la sagesse acquise à travers l’âge et les expériences vécues depuis la lutte pour l’indépendance.
Il s’agit bien de Hédi Baccouche, un homme d’Etat qui a cohabité avec plusieurs gouvernements, côtoyé plusieurs ministres et vécu entre deux grands régimes de la Tunisie indépendante. L’homme est aussi un grand témoin de l’histoire moderne et actuelle de la Tunisie qui se place entre deux ères et deux formes de régime totalement opposés même s’il y a eu une certaine continuité dans les grandes lignes et choix politico stratégiques.
Cet état des lieux est le résultat d’une longue histoire entamée avec l’indépendance et dont Hédi Baccouche redessine les grandes lignes dans “En toute franchise”, un nouvel ouvrage-témoignage paru en mars 2018 chez Sud Editions. Composé de quatre grandes parties et plusieurs chapitres, ce livre s’offre comme le “témoignage d’un militant pour l’indépendance et le développement de la Tunisie”, lit-on sur la pochette intérieure du livre.
Agé de 88 ans, Hédi Baccouche était présent lundi, à la séance dédicace de son livre dans le cadre de la foire internationale du livre de Tunis.
Cet ancien de de la sphère diplomatique tunisienne qui a servi dans plusieurs pays, est l’une des figures emblématiques du régime bourguibien qui avait vécu les grands moments de changement en Tunisie. Vers la fin du livre, il a écrit: “Au terme de ce témoignage, j’ai le sentiment de m’être déchargé d’un fardeau”.
Hedi Baccouche, témoin du passé et de la lutte pour l’indépendance revient sur ce fardeau et “la mainmise coloniale”. Il dit avoir “assisté à l’avènement interne de l’indépendance, la proclamation de l’indépendance, à l’édification de l’Etat et l’établissement d’une nouvelle forme pour les relations étrangères”.
L’homme a aussi été le témoin d’un jeune Etat qui commençait à se doter d'”une armée nationale, l’armée tunisienne” qui venait “remplacer l’armée française, et avait assisté aux efforts de développement”.
Sous Bourguiba, la vie politique de Hédi Baccouche avait été marquée par sa position proche de plusieurs figures à l’époque. “J’étais proche d’Ahmed Ben Salah avec lequel j’ai suivi une expérience socialiste, j’ai vécu avec Hédi Nouira avec lequel j’étais très proche, mais aussi de Mohamed Mzali, jusqu’à ensuite avec Ben Ali…”
“En toute franchise” revient sur un parcours mais aussi deux périodes phares, de Bourguiba à Ben Ali, même si ce dernier, l’auteur le cite peu sachant que moins de deux ans après la chute de Bourguiba, Baccouche s’était trouvé lui même évincé du pouvoir, par le nouveau président Zine El Abidine Ben Ali, sans pour autant s’être resté très loin…
Dans ce nouvel opus, il réserve à sa relation avec le régime Ben Ali, deux chapitres de 246 pages sur les 474 pages que forme le livre. Baccouche a été l’instigateur même de la charte du 7 novembre dont une copie est jointe dans l’annexe numéro 4 du livre.
Dans cet annexe 4, l’auteur certifie sur 13 pages le texte de la déclaration du 7 novembre écrite en arabe par sa propre main en écrivant “J’ai commencé chez moi la rédaction de la Déclaration une semaine auparavant..”. Aussitôt interpellé par Ben Ali, vers 21h, lui demandant de le rejoindre à son bureau au ministère de l’Intérieur, il avait “dû la compléter au ministère”, écrit-il, et ce avant l’horaire alors convenu “le 06 novembre à minuit”.
Des photos d’archives illustrent la fin du livre qui documente en images et légendes, et font retour sur les grandes étapes et rencontres officielles de Hédi Baccouche.
Abordant les événements avant et après le 14 janvier 2011, l’état des libertés et de la marche du développement dans un pays démocratique, il a estimé qu’il y a “un travail de conciliation à réaliser entre la démocratie et le développement”.
Dans l’état actuel où certains contestent un pouvoir en place fragilisé dans une démocratie déjà fragile et une classe politique en perte de repères, Baccouche livre un léger conseil aux politiciens. Il les appelle à “insuffler le patriotisme, et à se rappeler qu’on ne peut pas aller trop loin sans la culture du travail”.
En face de la déviation constatée sur certaines valeurs fondamentales qui guident les Hommes, ses conseils sont en lien avec la conscience humaine, car comme il l’a bien souligné, “si nous voulons êtres fidèles à notre histoire passée, il faut revenir aux valeurs de travail, d’honnêteté et du patriotisme”, des valeurs actuellement “un peu négligées”.
Evoquant la culture comme véritable arme de développement des nations et en s’interrogeant à quel point peut-on compter sur l’élite intellectuelle pour faire changer certaines idées et situations, l’ancien diplomate estime que l’élite n’est pas réellement une élite si elle ne connaît pas l’histoire, si elle ne connaît pas le monde, si elle n’utilise pas ses connaissances”.
Même s’il admet qu’une bonne partie de l’élite tunisienne répond à ces exigences, ce qu’il préconise avant tout c’est encore d’avoir “une culture patriotique, une culture démocratique et une culture morale”. Autour de l’avenir tunisien, il affiche un grand optimisme et compte sur “le riche potentiel tunisien”.