Durant toute la journée, le palais de Carthage a été le théâtre d’un incessant va-et-vient des responsables politiques. D’abord, tôt dans la matinée, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a été reçu par le président de la République. Ensuite, le ministre de l’Intérieur, suivi de celui des Affaires locales et de l’Environnement, puis le président de l’Instance supérieure indépendante des élections.
Enfin, en début de soirée ce fut au tour du président du Mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi d’être reçu au palais de Carthage.
A partir de là, des observateurs de la chose publique ont commencé à se poser des questions sur ce ballet inhabituel au Palais de Carthage, surtout un samedi : Béji Caïd Essebsi est-il malade ? Va-t-il nommer un nouveau chef de gouvernement, auquel cas, qui ? S’apprête-t-il à annoncer sa démission de la présidence de la République ? Mais bon sens, qu’est-ce qui se passe alors? Bref les supputations vont bon train.
A une heure tardive de la nuit, il s’est avéré que rien de tout ça. Il s’agit des réunions sur un éventuel report des élections municipales du 6 mai 2018. Et comme le redoutaient certains, depuis quelques semaines, ces élections ont été reportées à une date ultérieure.
Donc, la décision a été prise après un entretien, tard dans la nuit de ce samedi 31 mars 2018, entre le président de la République, Béji Caïd Essebsi, et le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, en présence du président de l’Instance supérieure indépendante des élections (ISIE) et du ministre des Affaires locales.
Selon nos informations, le chef de l’Etat a fini par convaincre le chef du parti islamiste de la nécessité de combiner les trois élections en 2019, en l’occurrence les municipales, les législatives et la présidentielle.
La première raison invoquée par BCE, elle est purement financière. En effet, organisées séparément, ces trois élections devraient coûté la maudite somme de 7 milliards de dinars. Or, en les combinant, cela ne représentera que 2 à 3 milliards de dinars. Un argument qui tient la route !
Ensuite, le taux d’abstention. Selon les sondages qu’ils ont eus en leur possession (BCE et Ghannouchi), plus de 80% des Tunisiens auraient l’intention de boycotter les élections municipales du mai 6 2018. D’où un risque d’avoir une démocratie locale “imparfaite“, selon les dires de notre source, ce qui pourrait avoir une répercussion négative sur les législatives et la présidentielle de 2019.
La troisième raison, et non la moindre, toujours selon nos sources, Ghannouchi et Caïd Essebsi ne veulent pas donner une chance à Moncef Marzouki de tester sa “popularité“ à travers ces municipales avant les grandes échéances de 2019. Car, estiment-ils, si ce dernier parvient à faire un score honorable lors de ces municipales, il est fort possible qu’il fasse de même pendant les législatives voire la présidentielle de l’année prochaine. Ce que personne n’en voudrait.
Entre temps, le chef du Palais de Carthage et le chef du Palais de Montplaisir espèrent que des dossiers très compromettants pour Marzouki apparaîtront et, par conséquent, le tueront politiquement.
Cependant, nous pensons que cette dernière stratégie peut être à double tranchant, en ce sens que de révélations également compromettantes pour BCE mais surtout pour Ghannouchi ne sont pas à exclure.
Par ailleurs, le président de la République table aussi sur le travail de son Premier ministre qui commence à porter ses fruits en matière d’emplois, de croissance économique… En effet, BCE pense qu’avec une croissance économique soutenue qui se dessine, les Tunisiens vont vite oublier les carences politiques auxquelles ils sont confrontés depuis la révolution. Autrement dit, Nidaa Tounes aura toutes les chances de remporter les prochaines élections haut la main, ce qui lui permettra de gouverner tout seul sans être obligé de s’allier avec Ennahdha ou autre…
Pour l’heure, l’information principale à retenir, c’est le report des élections municipales. D’ailleurs, Béji Caïd Essebsi aurait chargé le président d’Ennahdha de faire avaler la pilule à ses troupes, de loin les plus pressées pour occuper les différentes mairies du pays.
Quant au chef de l’Etat, on croit savoir qu’il s’adressera à la Nation dans quelques jours pour expliquer pourquoi le report de ces élections municipales est nécessaire voire vital pour le pays par les temps qui courent. Sans doute, certains seront déçus, mais la plupart des Tunisiens –notamment certains partis politiques qui ne semblent pas prêts- ne feront qu’applaudir cette décision.
Et vous, quel est votre point de vue sur ce report ? Ne cherchez pas à répondre à cette question, car elle ne se pose même pas. C’est un Poisson d’avril… de Tallel Bahoury.
Vive la Tunisie. Vive la démocratie. Vive la liberté d’expression et de presse ! Et vive la révolution tunisienne !