Elle était avec une amie lorsque le conducteur d’un grand taxi l’a «attaquée» laissant sa voiture en piteux état (voir photo) et fort heureusement, épargnant leurs vies, elle et sa passagère. Elles ont sauvées par les ceintures de sécurité qui ont empêché leur éjection du véhicule.
S.A, la conductrice qui s’en est sortie avec des blessures, des points de sutures dans sa tête et plein de contusions sur tout le corps, témoigne ce matin avant sa sortie de clinique: «J’étais en arrêt au rond-point attendant que les voitures à ma gauche passent pour que je puisse continuer ma route, et je me suis réveillée avec du sang et mon amie évanouie à côté de moi entourées de personnes inquiètes».
Son amie est encore en salle de réanimation, elle a souffert d’une petite hémorragie dans sa tête. Prise en charge rapidement par l’équipe médicale de la clinique sise dans la Cité Ennasr, elle est hors danger. Toutefois, elles restent toutes les deux en état de choc. Et il y a de quoi !
Le chauffeur du grand taxi a justifié cette opération meurtrière par le fait qu’il ne contrôlait plus ses freins. En fait, cela doit faire un bail qu’il n’avait pas soumis son véhicule à une visite technique ou peut-être qu’il a «acheté» la visite technique ou pire, à chaque fois que les agents de la circulation la lui demandent, il «s’arrange» avec eux.
Rien n’étonne plus dans un Etat où rien ne va plus. 2.000 Grands taxis sévissent sur tout le territoire national dont près de 1.000 dans le Grand Tunis -Ben Arous occupant le premier rang avec 500, les 500 autres dispatchés entre Tunis, l’Ariana et la Manouba. «Le drame des grands taxis a commencé lorsque, en 2004, on leur a permis d’élargir leur champ d’action des zones rurales à celles urbaines, témoigne El Fehri Ezzemni, président de la Chambre à l’UTICA. Pire, c’est le fait d’avoir autorisé la constitution de sociétés de grands taxis qui est à l’origine aujourd’hui des dépassements, du non-respect du code de la route et des accidents mortels.
Les propriétaires de ces sociétés mettent en compétition les conducteurs des véhicules en les incitant à transporter le maximum et à augmenter le nombre de leurs courses pour récolter autant d’argent que possible.
Résultat : les “moins performants“ sont sanctionnés, et du coup, ils cherchent à se rattraper en adoptant des comportements dangereux sur leurs passagers et sur les autres conducteurs».
Parmi ces entreprises, il y en a une qui possède un parc de près de 28 véhicules délabrés dans leur grande majorité.
Les gouverneurs sont les premiers responsables, dénonce Afif Frigui, président de l’ATPR
Pour Afif Frigui, président de l’Association tunisienne de la prévention routière (ATPR) et de l’Organisation arabe de la sécurité routière, les gouverneurs sont les premiers responsables de la hausse continue du nombre d’accidents de la route et du “manfoutisme“ des conducteurs des grands taxis. «Nous avons dû faire appel à monsieur le ministre de l’Intérieur afin qu’il intercède auprès des gouverneurs pour qu’ils daignent présider les comités régionaux de sécurité routière et discuter avec nous des moyens à mettre en œuvre pour juguler ce phénomène. Quelques-uns ont répondu présents assumant leurs responsabilités, d’autres ont chargé leurs premiers délégués d’assurer leurs tâches. Quelle plus grande preuve de l’indifférence de ces hauts responsables quant au sort des vies de leurs compatriotes?».
Les gouverneurs détiennent un pouvoir absolu : celui d’accorder l’autorisation de conduire un grand taxi, de maintenir ou de retirer le permis de conduire à un conducteur dangereux. Il n’en est rien dans la réalité. Rares sont les fois où la commission des retraits de permis de conduire se réunit. Et généralement, par l’effet néfaste d’une baguette «démoniaque», les chauffards gardent leurs permis. A qui profite le crime?
Ne sous-estimons pas toutefois les responsabilités des ministères du Transport et de l’Intérieur dans la propagation de ce phénomène. Le premier est celui de la tutelle et il lui revient de gérer ce mal absolu avec les représentants de l’Etat dans tous les gouvernorats. C’est à lui également de soumettre des propositions de lois ou d’émettre des décrets visant une meilleure gestion du secteur pour plus de sécurité pour les citoyens.
«Nous avons obtenu du ministère qu’il promulgue une loi interdisant la création de sociétés de grands taxis, c’est déjà ça, assure M. Zemni. Seulement, nous ne pouvons pas interdire les activités de celles d’ores et déjà existantes, la loi ne possédant par effet rétroactif».
Quant au ministère de l’Intérieur, ce sont des opérations «coup de poing» et des campagnes intensives de contrôle sur les routes qu’il doit assurer. Car il n’est pas normal que les agents de circulation laissent passer des grands taxis couverts par la boue à tel point que l’on ne peut même pas lire leurs plaques d’immatriculation, ce qui leur laisse tout le loisir de commettre n’importe quelle infraction en toute impunité.
Des conducteurs qui intègrent un métier sans aucune qualification sauf le permis de conduire et qui n’observent aucune éthique et ne respectent aucune loi.
Un commentaire sensé que celui posté par notre concitoyen Moncef Lassoued sur les taxis collectifs suite à l’accident perpétré hier: «Les Grands taxis à Tunis et dans d’autres villes du pays sont une aubaine pour une grande partie des Tunisiens, appartenant, surtout, aux classes laborieuses, car ils vont partout dans les quartiers populaires et relient les différentes banlieues entre elles. Mais il y a, avec ces taxis collectifs, un réel problème qui consiste, notamment, dans le comportement dangereux de leurs conducteurs qui est de nature à faire peur aux autres usagers de la route, y compris les piétons parmi eux. Et ce à cause de leur mépris du code de la route, l’excès de vitesse dont ils abusent dans toutes les circonstances et leurs prises de risque inutiles qui les apparentent parfois à des cascadeurs, sans parler de l’apparence physique et vestimentaire de la majorité d’entre eux qui les fait ressembler plus à des bandits de grands chemins qu’aux honnêtes prestataires de services qu’ils sont censés être. Ce qui est déplorable, c’est que ces comportements et cet état d’esprit ne semblent pas inquiéter outre mesure la police de la route, ou la Police, tout court, quand on voit que nombre de ces voitures collent sur leurs lunettes arrières les inscriptions du drapeau de Daech soulignées par le fameux sabre islamique qui dénote, au minimum, d’un certain extrémisme religieux et d’une prédisposition à franchir le pas du terrorisme. Il ne faut pas s’étonner des catastrophes que ces taxis collectifs sont capables d’occasionner quand ils sont conduits par des énergumènes aussi dangereux et potentiellement criminels».
«Si vous échappez à un accident causé par le conducteur d’un taxi collectif, vous risquez d’en faire vous-même par panique rien qu’à leur passage ou encore d’attraper une maladie à cause du stress continuel conséquence de routes non sûres», déplore Afif Frigui !
Et encore nous ne parlons pas des bus des transports publics!
Amel Belhadj Ali