Tunisie-Presse internationale  : Les médias français en croisades en Tunisie?

Est-ce parce que la Tunisie ne s’offre pas les services d’une agence de lobbying à coups de millions d’euros que les médias français s’acharnent autant sur elle ? Ou parce que les correspondants de ses différents journaux doivent circuler en Tunisie en terrain conquis et bénéficier de tous les privilèges pour que nous Tunisiens trouvions grâce à leurs yeux ?

 

Pour une fois, je ne citerais pas France 24, nous sommes bien conscients qu’elle applique à la lettre les instructions du quai d’Orsay, donc si nous voulons qu’elle nous épargne, nous devrions, nous Tunisiens, nous prêter aux bonnes grâces de ce cher gouvernement français qui n’arrive pas à se départir de ses réflexes colonialistes. Il ne faut peut-être pas leur en vouloir autant, la culture colonisatrice est dans les gènes !

Du coup, le monde entier s’est réduit dans les médias de l’Hexagone à la Tunisie, ce petit pays dans lequel on a orchestré une révolution pas colorée mais parfumée de jasmin et nourrie du sang de jeunes tunisiens idéalistes, manipulés par des comploteurs et des politiciens véreux.

Les journaux français se sont plus préoccupés du 7ème anniversaire de ce qu’on appelle révolution que les médias locaux. Chaque fait divers est décrit avec force détails et occupe une place de choix dans l’ordre des informations diffusées ou publiées. Qu’il s’agisse de médias audiovisuels ou de la presse écrite, les Français nous adore. Ils usent de tout leur art pour mettre en avant les émeutes, même insignifiantes, une petite marche qui ne dépasse pas un millier de personnes, des fous d’Allah qui brandissent les drapeaux de Daech, ou encore les témoignages de Tunisiens souffrant de précarité et qui n’ont pas pu profiter comme il se doit de la «Révolution».

Les médias français ont le cœur tendre et nous devrions leur être reconnaissants d’être aussi soucieux de nos malheurs et préoccupés par notre sort.

Bien classés sur Google, les journaux français supplantent tous les autres supports médias qui parlent de la Tunisie. Ainsi, dans les alertes sur la Tunisie, aujourd’hui mardi 16 janvier, un article hilarant (sic) sur le journal prestigieux «Le Monde» où l’actionnaire majoritaire est qatari, ce qui laisse planer un doute sur sa neutralité et son objectivité au vu du sale rôle joué par le Qatar dans notre pays depuis 2011.

Nous pouvons y lire «Le pays semble prisonnier d’une transition sans fin qui affaiblit l’Etat et le fait dériver vers l’autoritarisme. Les fondamentaux économiques se dégradent, les pouvoirs publics rompent progressivement avec le politique d’achat de la paix sociale –près de la moitié du budget de l’Etat est, en effet, consacrée au paiement des salaires dans la fonction publique. Les décideurs politiques font face à une tâche très délicate à un moment où le doute s’installe quant à l’efficacité de la démocratie à relever les défis. Ils doivent mettre en œuvre une Constitution adoptée en janvier 2014, alors que l’élan révolutionnaire suscité par ledit “printemps arabe“ s’essouffle».

Autoritarisme vous dites? Les émeutes insignifiantes perpétrées en Tunisie ces derniers jours ont été beaucoup mieux gérées que celles qui ont éclaté dans les banlieues parisiennes en 2013 et où près de 1.200 voitures ont été incendiées, sans oublier les 209 incendies recensés en région parisienne et les 907 dans les agglomérations de province… (LeFigaro.fr du 1/01/2013)

Sur TV5 Monde daté du 15 janvier 2018, c’est le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) qui est mis en avant. «Il a condamné lundi une multiplication des “violations” et “restrictions” à l’encontre de correspondants de médias étrangers, accusés samedi par le chef de l’Etat d’avoir porté atteinte à l’image du pays par leur couverture des derniers troubles. Un contrôle plus strict des correspondants de presse couvrant des manifestations, constaté dimanche, ainsi que la brève interpellation d’un journaliste français sont dus, selon le SNJT, aux déclarations du président Béji Caïd Essebsi qui a critiqué samedi la couverture des protestations sociales par la presse étrangère».

Un syndicat à la «LTDH» qui ne monte sur ses grands chevaux que lorsque les journalistes sont les victimes des «exactions» du pouvoir, rarement pour défendre leurs conditions de travail, leurs droits syndicaux, des salaires décents ou encore leur protection sociale !

Courrier international n’a pas été en reste. Sur ses pages, il met en exergue «le bilan économique morose. Le mécontentement social qui enfle et la réponse des politiques qui semble insuffisante. Au terme d’une semaine de troubles sociaux, les Tunisiens ont marqué dimanche le 7e anniversaire de la révolution, certains exprimant leur fierté, mais d’autres criant surtout leur colère face à la persistance des maux -pauvreté, chômage et corruption- à l’origine de la chute de la dictature. Sur l’avenue Bourguiba de Tunis, l’un des lieux emblématiques du soulèvement qui fut le point de départ des révoltes arabes, des centaines de personnes ont manifesté par groupes séparés pour marquer l’anniversaire de la chute de Zine El Abidine Ben Ali après 23 ans de règne sans partage». Waw ! Quelle vision romantique de la prétendue révolution tunisienne !

Sur France Info, on a fait l’effort de revenir 34 ans en arrière pour parler des émeutes du pain ! Un devoir de mémoire, semble-t-il. On a même recueilli les témoignages des victimes des “émeutes du pain” qui en parlent 34 ans après et on rappelle à l’occasion à ceux qui l’on peut-être oublié qu’il y a eu des dizaines de morts !

La Tunisie est devenue une source intarissable d’informations et de sensations fortes pour les médias français. D’autres pays n’ont pas cet honneur ! Nous devrions peut-être nous réjouir de cet intérêt si désintéressé (sic) de nos homologues français si ce n’est que ce qui se passe en France est de loin plus important et plus grave que toutes les émeutes, perturbations et contestations qui ont eu lieu et qui peuvent avoir lieu en Tunisie.

La France oublie ses extrémistes, la montée du radicalisme, les financements occultes des partis politiques dont celle des financements libyens et des compromissions politiques dénoncés par Mediapart et la guerre déclenchée «à la faveur des élections de Sarkozy en 2007».

Le fait que les manifestations qui ont eu lieu en France suite à la promulgation en 2016 de la loi sur le travail aient atteint selon le préfet de Paris un «niveau de violence tout à fait particulier…» dû à la «participation importante de casseurs d’au moins 800» est tout à fait normal en France. Après tout, c’est une vieille démocratie qui sait gérer la violence de la rue, qu’il y ait des personnes appréhendées est également tout à fait normal. Dans les pays «civilisés, il faut manifester de manière civilisée».

Mais en Tunisie, il suffit d’une petite altercation entre forces de l’ordre et émeutiers ou encore des jeunes en colère pour qu’on réserve à notre pays une place de choix sur les tabloïds de l’hexagone ou dans les médias audiovisuels.

Finalement, peut-être que nous Tunisiens devrions prendre notre mal en patience et prendre à la lettre la citation de Léon Zitrone «Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L’essentiel, c’est qu’on parle de moi».

Allez-y alors Messieurs dames des médias français, descendez-nous en miettes, Carthage s’est relevée de ses cendres, Kairouan également après le passage des hordes de tribus hilaliennes, la Tunisie sera toujours le phénix qui renaîtra de ses cendres.

Amel Belhadj Ali

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/01/15/en-tunisie-le-risque-d-une-derive-autoritaire_5242094_3212.html

http://information.tv5monde.com/en-continu/tunisie-le-syndicat-des-journalistes-denonce-des-pressions-214501

https://www.courrierinternational.com/article/la-tunisie-entre-revolte-sociale-et-promesses-politiques

https://www.francetvinfo.fr/monde/tunisie/en-tunisie-les-victimes-des-emeutes-du-pain-temoignent-34-ans-apres_2563103.html

https://www.la-croix.com/Monde/Tunisie-tension-marque-7e-anniversaire-revolution-2018-01-14-1300905692