Dans une station délabrée de la ville Nampula, au nord du Mozambique, des passagers, en majorité des femmes, jeunes, petits et nouveaux nés, aux visages portant les traces d’un quotidien douloureux, leur bagages entassés autour -, attendaient la venue du D67, le train qui devait les emmener au Malawi.
La détresse se voit dans leurs yeux mais l’espoir semble plus grand que la douleur qui les habitait dans un pays en ruine ravagé par les dégâts d’une guerre civile sans merci. Supporter l’insupportable et s’aventurer à bord d’une locomotive dont l’arrivée n’est pas certaine, est le seul moyen de survie pour ces femmes et petites familles appauvries parties à Malawi pour échanger leur sacs de sel contre du sucre.
Après une longue attente sous la chaleur, aussi bien du climat que des lieux, arrive enfin le train qui devrait les embarquer pour leur destination. A bord du D67, le réalisateur brésilien Licinio Azevedo, plonge les spectateurs dans un drame, à la fois douloureux mais combien captivant, intitulé “Le train du sel et du sucre” (The train of salt and sugar), pour un trajet sur les rails de l’enfer.
Plusieurs pays sont partenaires dans la production de cette fiction de 93 mn à laquelle s’associent le Portugal, le Mozambique, le Brésil, la France et l’Afrique du Sud. Ce drame de 93 minutes est une adaptation du livre Licinio Azevedo, d’après une enquête de terrain réalisée en 1992.
Il remonte vers la fin des années 80 au Mozambique dressant un tableau multicolore, dans un décor proche des films western, pénétrant les splendides scènes de la nature et les larges territoires donnant sur les monts culminants d’une hauteur de 2000 mètres. Mais les beaux paysages du pays ne sont plus qu’un rêve inaccessible pour ces gens cédant ainsi la place à des scènes de violence où seule la loi du plus fort s’impose.
Dans cette ex-colonie portugaise, le périple s’annonce dur avec une infrastructure jamais entretenue depuis des décennies et une station où ils devaient encore sauter en bas du quai de la station. Sur le seul wagon pour voyageurs, ils se sont entassés dans une sorte de locomotive à ciel ouvert. Une escorte militaire, de plusieurs soldats et leur commandant, bien armés et farouches, les accompagne dans un voyage périlleux de plusieurs jours. Roulant lentement à moins de 50km/h, le train est souvent exposé à des attaques des membres de l’armée rebelle qui les attendaient dans la brousse.
Sur le chemin du voyage, des histoires ressurgissent et des liens se forment, des histoires d’amour naissent et de nouvelles vies se créent. D’un côté, il y a les forces du bien avec Mariamu, une habituée du D67, Rosa, la jeune infirmière qui s’apprête à rejoindre son poste dans un hôpital et le lieutenant Taiar. De l’autre il y a celle du mal et le personnage de Salomao, un soldat dont les pratiques sont celles des temps de guerre où tout est permis et tout est possible. Les passagers, les femmes notamment, sont une proie facile pour certains militaires.
Malgré les dépassements, la bravoure des militaires a été agréablement filmée dans des scènes de combat où ils risquaient leurs vies pour défendre les leurs. D’un ton ironique, à la nouvelle station improvisée par les rebelles où est indiquée “Bienvenue en enfer “, le commandant de l’escorte militaire se disait prêt à se transformer “en singe” pour attaquer ces rebelles qui cherchaient à les déstabiliser par une tête accrochée horizontalement sur une planche au milieu des rails.
Bravant les dangers au milieu des barrages, les tirs des ennemis, les balles, les têtes tranchées et les corps ensanglantés, le train arrive enfin à destination avec le corps d’un rebelle attaché sur le convoi. Et “la lutte continue”, tel qu’est écrit vers la fin en sous-titrage qui accompagne le dialogue en portugais, des personnages et certaines séquences de narration.
Malgré la violence, la pauvreté et la haine qui accablaient les Hommes en ces temps difficiles au Mozambique, le film est porteur d’une grande lueur d’espoir pour tout peuple secoué par les aléas de la vie et de la guerre. C’est aussi un prototype d’un scénario qui ne cesse de se répéter sur le Continent noir. Les guerres civiles ont et continuent de sévir de leur atrocité et leurs dégâts inébranlables.
De son titre portugais en “Combio De Sal e Açuar”, ce film, sorti en 2016, a été projeté à guichets fermés, pendant les premiers mois de sa sortie au Mozambique. Il a, depuis, raflé des prix dans plusieurs festivals avec le Bocallino d’Or au festival de Locarno, le prix du meilleur réalisateur au festival du film du Caire, celui du meilleur film au J’Oburg Film Festival et la mention spéciale au festival international Vues d’Afrique de Montréal.
Dernièrement, le film a été désigné pour représenter le Mozambique, à la section du meilleur film étranger, pour les prochains Oscars 2018. Cette fiction dont la sortie en Europe, Brésil et Etats-Unis est prévue pour 2018, est en course dans la catégorie des longs métrages de fiction des 28èmes Journées cinématographiques de Carthage (JCC).