Slim Chaker : Le don de soi

“Mort sur le champ d’honneur“, pourrait être son épitaphe. Slim Chaker est mort en héros du service public. Une belle mort !

Slim Chaker nous a quitté à l’âge de 56 ans. Ce que la vie lui a ôté en années, elle le lui a restitué en bravoure. Il a tiré sa révérence en étant aux premières lignes, l’arme au poing pour vaincre les origines du mal. Petit fils de Hédi Chaker, patriote martyr, mort pour la cause nationale, lâchement assassiné par le pouvoir. A son tour, il est mort en luttant contre le crabe et en s’acharnant à redorer le blason d’un service public, lui-même en mal d’existence. Et ce combat l’habitait, à tous les départements qu’il a occupés depuis qu’il est dans le giron de Nidaa Tounès.

Slim Chaker a vécu en conformité avec l’esprit de Ruduyard Kipling: Il a existé comme il le voulait par ses propres moyens. Et c’est là son mérite personnel. D’ailleurs, il ne pouvait s’en écarter car «consacrer sa vie au service d’autrui» (1) est devenu non point un enseignement moral mais bien un crédo familial.

L’excellence sinon rien

Ancien de l’INSEAD, école de l’INSEE, Slim Chaker a été en classe chez Edmond Malinvaud. Dans un entretien qu’il m’avait accordé pour un journal de la place, il me rappelait la consigne prodiguée par le maître : «’Ne tombez jamais dans le piège de la moyenne. Car on peut avoir la tête au four et les pieds au congélateur, et afficher une température moyenne acceptable» (2).

Slim Chaker a toujours vécu au rythme du mobile de l’excellence. Au ministère du Commerce, avec Férid Tounsi, il a été le commissaire du premier SISE -le premier Salon international des services de haute valeur ajoutée à l’export. Cette initiative a été bâtie autour d’un concept intelligent. Ce Salon s’adressait à une clientèle continentale. Slim Chaker, pour garantir une affluence dédiée, avait désigné des missionnaires.
Chacun d’entre eux a un missionnaire du CEPEX pour un groupe de pays. Ce missionnaire se chargeait de répertorier les dirigeants concernés par le salon et les ont invités en Tunisie en prenant en charge leurs frais de transport et de séjour. Ce fut une réussite totale car les professionnels tunisiens ont pu traiter en un temps record avec des professionnels bien ciblés, et la moisson de contrats fut spectaculaire.

Plus tard à la tête du FAMEX, composante principale du Plan de développement des exportations, il a eu des résultats remarquables. Les experts étrangers ont trouvé que chaque dinar dépensé par le FAMEX générait dix dinars de recettes d’export. A l’issue de sa mission, l’UE l’avait recruté pour dupliquer le système en Jordanie où il a laissé des souvenirs remarquables.

Ses autres états de service au sein du gouvernement sont encore tous chauds et il ne sert à rien de les reprendre. Mais on ne s’attardera jamais assez sur ses qualités humaines et son entregent. Ministre des Finances, à la tribune de la CTFCI (Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie), il aperçoit Tahar Sioud parmi l’assistance, il s’interrompt et s’excuse auprès l’auditoire, en ces propos “avec votre permission, je me dois d’aller saluer mon ministre“, avec grosse accolade.

Slim Chaker est fait de cette étoffe dont se drapent les grands hommes de Tunisie : le service de la patrie. Slim Chaker est parti mais son esprit nous habitera.
Adieu l’ami, repose en paix.
Ali Abdesalam

1) Auteur du poème ‘’SI’’ en anglais ‘’IF’’, leçon de morale dispensée par un père à son fils et qui se termine par la fameuse conjecture ‘’Alors tu seras un homme, mon fils’’.
2) Cette citation est d’Auguste Comte et elle a inspiré le président Bourguiba, dans son parcours militant.