A travers la circulaire promulguée par le ministère de la Justice le 5 novembre 1973, et stipulant que l’on ne peut autoriser une musulmane à épouser un homme de confession différente sauf s’il se convertit à la religion musulmane, le ministre de la Justice n’a fait qu’appliquer les instructions émises par le Premier ministre d’alors, le 19 octobre de la même année.
Bien avant, en 1962, le secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur avait adressé une circulaire aux officiers d’état civil leur intimant l’ordre de ne conclure aucun contrat de mariage avec un non musulman. Ceci en application du CSP (Code du statut personnel) qui stipule qu’il est strictement interdit pour les Tunisiennes de confession musulmane d’épouser un homme de confession différente.
Il n’y pas eu que cette circulaire, une autre a été envoyée au mois d’août 1974 au directeur général des affaires locales, aux gouverneurs, aux maires, aux délégués, au directeur général de la sécurité nationale, à celui de la Garde nationale et au directeur des collectivités locales pour les informer des mesures ordonnant l’interdiction de ces unions.
Le ministère des Affaires étrangères en a été informé au même titre que le ministère de l’Intérieur, et ce pour veiller à l’application de la circulaire citée plus dans les ambassades et les consulats tunisiens.
Le chemin dans le sens inverse
La suppression de cette mesure n’a pas été une mince affaire pour le ministre de la Justice du gouvernement d’union nationale, Ghazi Jeribi, car les mesures prises dans un premier temps en 1962 et ensuite reconfirmées en 1973 se sont déclinées en circulaires qui ont touché au moins trois ministères et à leur tête le Premier ministère. Il a dû refaire le chemin dans le sens inverse.
Suite au discours du président de la République, il a fallu, pour assurer la légalité des procédures, revenir à la source, c’est-à-dire au Premier ministère avant de faire le tour de tous les départements concernés y compris la police et la Garde nationale pour obtenir l’annulation de l’ensemble des circulaires. Et c’est ce qui s’est passé effectivement après que le chef du gouvernement a émis de nouvelles instructions en direction des ministres concernés les informant de la légalité du contrat de mariage entre une Tunisienne musulmane et un non musulman. Ceci en conformité avec le principe de parallélisme des formes et des procédures.
C’est après avoir procédé à toutes ces formalités que Ghazi Jeribi a envoyé un courrier aux présidents de la Cour d’appel, des tribunaux de première instance, aux procureurs et aux juges cantonaux ainsi qu’aux officiers de l’état civil pour les informer de la décision du chef du gouvernement de lever l’interdiction du mariage des Tunisiennes avec des non musulmans.
Les raisons invoquées étant sa non-conformité avec les articles 21 et 46 de la Constitution tunisienne et avec les conventions internationales auxquelles la Tunisie a adhéré.
Ceci pour dire que le processus de l’abrogation de la circulaire concernant l’interdiction du mariage des Tunisiennes avec des non musulmans ne s’est pas faire d’un coup de baguette magique et que ces changements exigent de l’expertise, de la maîtrise des lois et d’une très grande vigilance pour qu’elles ne soient pas remises en question à la première occasion.
Ceci d’autant plus que les détracteurs de cette loi sont nombreux au national comme à l’international. Et comme a dit Churchill, «Il n’y a rien de négatif dans le changement, si c’est dans la bonne direction».
Et pour ce qui est de la régularisation de la situation des mariages inter-confessionnaux, il n’était plus admissible de considérer des couples mariés légalement dans d’autres pays et ayant des enfants comme étant des couples «illégitimes». Des couples «illégitimes» qui pouvaient même comparaître pour adultère.
Si ce n’est pas cela le tragi-comique!
Amel Belhadj Ali