Dans la caricature, le caricaturiste dresse un portrait exagéré, d’un personnage ou d’une situation quelconque, qui frôle la limite entre réel et imaginaire. Pareil dans l’humour, l’artiste s’attaque à des situations qu’il alimente de son imaginaire avec des images métaphoriques-comiques.
Partant de cette similitude des procédés, dans deux formes d’art où les techniques ne sont pas les mêmes, Foudil Kaibou, humoriste et comédien français, d’origine algérienne, s’identifie. A l’issue de son spectacle ” Foudil prend le pouvoir ” présenté, lundi soir, au palais Ennejma Ezzahra qui abrite la seconde édition du Festival “Juste pour rire Tunisie “, l’artiste s’est confié à l’agence Tap sur sa vision de l’humour, l’art de faire rire et ses origines.
Le public était au rendez-vous avec une avalanche de rire provoquée par Foudil qui se produit pour la première fois en Tunisie. De l’image du père qui varie selon les cultures, la mère qui contrôlait tout, son frère qui cherchait son yaourt au frigo ou bien sa fiancée et ses beaux parents alsaciens, son spectacle est très ancré dans la réalité française mais aussi algérienne. Une immersion dans les origines d’un artiste qui se dit fier du fait qu’ “on arrive à rester très Algérien même quand on vit en France”.
Son humour piquant et ravageur est servit dans un texte copieux et varié qui ne peut laisser personne indifférent notamment à ses improvisations qui naissent de l’ambiance sur scène. L’inspiration chez lui vient globalement du “vécu et le reste se sont des rajouts pour rendre plus drôle des situations et créer une sorte d’exagération”.
Qu’il s’agisse de sa vie de famille, de couple ou de faits marquants d’actualité en France où il est né, son sens de l’humour s’associe au sens de la critique qui consolide sa vocation d’artiste, habité par les problèmes de sa société. Comme dans le cas des médias, qui à son avis “ont compris que faire la télé en utilisant l’islam et le terrorisme fait de l’audimat”. Il s’attaque à certains médias qui font l’amalgame entre islam et terrorisme et à une pratique qu’il estime “totalement démagogique, aux dépens des musulmans”.
Même si certains humoristes font appel à des auteurs pour écrire leurs textes, les sketches de Foudil Kaibou sont d’après un scénario qu’il écrit lui même, en introduisant des improvisations. “Foudil prend le pouvoir” est une version revisitée de son premier spectacle qui s’intitulait “L’arabe qui cache la forêt”, présenté en 2012 et ayant fait le tour des provinces françaises jusqu’à Paris. Le spectacle qui se joue dans le cadre du Jamel comedy club, fait rire mais, aussi, réfléchir sur certaines questions liées à la diversité communautaire où beaucoup s’y retrouvent (Roms, Turques, Noires, Arabes…).
L’artiste explique que l’intitulé “Foudil Prend le pouvoir ” est loin de la connotation politique de l’expression. La notion du pouvoir ici va dans un sens plus philosophique, “elle est celle de prendre le pouvoir sur soi-même quand on arrive à surmonter les obstacles de la vie”. Une philosophie de la vie qu’il essaye de transmettre en fin de son spectacle comme quand dans les moments de perte et de grande solitude, on sèche ses larmes et on se relève pour affronter la vie. L’artiste, sacralise aussi le rôle et l’importance de la famille qui demeure un rempart contre nos maux et nos faiblesses.
Foudil admet que certains thèmes ont déjà été vus et revus – comme ceux sur les couples mixtes. Mais ce qui compte le plus pour lui, c’est “le point de vue de l’artiste qui est quelque chose d’unique”. Il part de situations véridiques pour dessiner une sorte de caractérisation de la réalité, ce qui en somme constitue le rôle de l’humoriste, rappelle-t-il en parlant d’une “tradition française, avec les premières caricatures qui étaient parfois sous formes de dessins, autour du roi ou de personnages du peuple”.
Ses débuts dans le monde du spectacle étaient avec le théâtre, de 2005 jusqu’à 2012 date à laquelle il s’est lancé dans une carrière solo en écrivant ses propres textes. Il voulait s’affirmer dans une autre perspective où il est maître de son texte, “contrairement au théâtre où le comédien est obligé de jouer le texte des autres”.
Pour Foudil qui a partagé la scène avec les plus célèbres humoristes français, à l’instar de Gad Elmaleh et Anne Roumanoff, “en humour on ne peut pas tricher, car le rire du public ne peut être fabriqué “.