Ils sont venus des quatre coins du monde pour célébrer le grand événement annuel des juifs: le pèlerinage de la Ghriba.
Tout était soigneusement préparé pour réussir ce rassemblement datant de 200 ans. Les sécuritaires, les militaires mais également les ambulances et services d’urgence ont été déployés, quelques jours avant la venue des pèlerins sur l’île de Djerba, ” la Douce “.
Le premier jour, à 10h, le président de l’association de la Ghriba, Perez Trabelsi, était déjà assis à sa place devant la porte du sanctuaire où il dirigeait l’organisation. La synagogue a commencé à accueillir les pèlerins vers 9h du matin. Les touristes ont été empêchés d’accéder au monument pour libérer l’espace aux pèlerins attendus de tous bords.
Trois jours de festivités
De nombreuses jolies filles très bien habillées mais aussi de jeunes et vieux couples ont déposé dans la niche éclairée à la lumière des bougies et des œufs où ils ont écrit leurs vœux.
Outre l’aspect religieux de cet événement, la Ghriba est la destination de juifs à la recherche de l’euphorie et des bons moments. Les après-midis à la Ghriba étaient consacrés à la fête: Des chants juifs, arabes et étrangers ont animé le hall de la ” Wkala “, samedi étant consacré à la prière.
Les après-midis étaient, en outre, consacrés à la collecte d’argent. Des bouquets de fleurs ont été vendus aux enchères.
“Il s’agit d’un rituel du pèlerinage qui a pour but de collecter l’argent pour le sanctuaire”, explique, à l’agence TAP, René Trabelsi, membre du comité d’organisation, indiquant que ces ventes apportent à la caisse de la Ghriba, chaque année, une somme d’environ 20 mille dinars.
Après la collecte d’argent, les juifs accompagnent le Minaret, un candélabre recouvert de foulards de soie, dans un petit tour dans les ruelles du quartier. La petite sortie (El Kharja Esghira) que les juifs font à la fin de la première journée et la grande sortie (El Kharja Lekbira) qu’ils effectuent à la fin de la dernière journée. Il s’agit des rites les plus fréquentés durant le pèlerinage.
A l’intérieur de la ” Wkala “, un espace a été bien aménagé pour les offrants de nourriture typiquement juive. On y trouvait de la nourriture de toutes les couleurs et de toutes les saveurs.
Des musulmans en fête
Des musulmans et des juifs assis, côte à côte, à la partie réservée aux restaurants et aux postulants à une pause gourmande reflétait l’image d’une Tunisie pacifique, diversifiée et tolérante.
En effet, des musulmans sont venus partager les festivités mais également les rituels du pèlerinage juif. Pour eux, le pèlerinage juif est un rituel tunisien partagé, depuis des décennies, avec les Tunisiens, toutes confessions confondues. C’est également une occasion pour plusieurs musulmans de déguster la cuisine juive, riche en plats savoureux dont notamment El Madfouna, le Brik et les Koufta.
La Ghriba entre mythe et histoire
La Ghriba est formée de deux établissements principaux : le sanctuaire et la ” Wkala ” (Auberge).
Le sanctuaire a été construit par des juifs venus d’Al Qods après la destruction du temple de Salomon. ” Des juifs sont venus portant des restes du temple de Salomon d’Al Qods à Djerba où ils sont restés des années avant de construire un petit bâtiment, première partie du sanctuaire “, selon Trabelsi.
” Le nom, la Ghriba, est inspiré du mot ” étrange “, a indiqué le président de l’association. Dans le deuxième établissement appelé ” Wkala “, plus de 200 chambres ont été aménagées depuis des décennies pour accueillir les pèlerins qui désirent s’y installer.
Le mythe dit que le nom de la Ghriba remonte à l’histoire de la jeune fille retrouvée morte mais épargnée par les flammes dans sa cabane incendiée sur la colline où se situe la Ghriba actuellement. Il s’agit également du sanctuaire juif le plus ancien en Afrique.
La synagogue de la Ghriba qui date de plus de 2500 ans est, depuis 200 ans, la destination prisée par les juifs lors de la saison du pèlerinage. Cet événement présente une occasion de rencontres entre juifs voulant, entre autres, se marier ou marier leurs enfants, a indiqué Perez Trabelsi.
Des figures publiques au rendez-vous
Plusieurs personnalités gouvernementales, politiques mais aussi artistiques ont visité la Ghriba lors de cet événement.
Le chef du gouvernement Youssef Chahed a quant à lui, effectué une visite inopinée dimanche matin où il a rappelé que la Tunisie est un pays sûr doté de toutes les conditions à même de permettre le bon déroulement des rites de la ” Ziara “. La Tunisie est un pays ouvert, tolérant et en réconciliation avec son identité. Elle cohabite pacifiquement avec toutes les réglions, avait souligné Chahed.
Le chef du gouvernement était accompagné par le ministre de l’Intérieur, Hédi Majdoub, qui a profité de l’occasion pour indiquer que la situation sécuritaire en Tunisie est en amélioration continue.
L’après-midi du dimanche a été marqué par la visite des ministres du tourisme, Salma Elloumi, des Affaires religieuses, Ahmed Adhoum, du ministre des affaires culturelles Mohamed Zinelabidine qui était accompagnés du Mufti de la République.
Outre les politiciens, des artistes dont Imen Cherif, Rochdi Olwen et Zaza ont partagé avec les pèlerins leur grand jour.
Un événement fortement médiatisé
L’événement tant attendu par les communautés juives dans le monde entier a été médiatisé au double plan national et international. Des chaînes de télévision, des agences de presse, mais également des journaux et des radios ont assuré la couverture en streaming et en reportage des différentes étapes du pèlerinage.
Selon René Trabelsi, plus de 100 médias locaux et étrangers, dont AFP, France 24, The Independant, National Geographic et Judaique FM ont assisté aux trois jours de la visite. Un groupe de cinéastes étaient également sur place pour un documentaire portant sur le Judaïsme. ” Il s’agit d’une trilogie de films portant sur les 3 religions déistes qui sera diffusée l’année prochaine sur ART “, a annoncé la réalisatrice du film dans une déclaration à l’agence TAP.
Au-delà du pèlerinage…
Le pèlerinage a fait vivre l’île de Djerba sur le rythme des festivités. En effet, outre les rites du pèlerinage qui se sont déroulés entre les murs de la Ghriba, les journalistes étrangers, invités et ramenés en grande partie par l’office du tourisme, étaient au rendez-vous de plusieurs activités culturelles et touristiques.
Les représentants des médias étrangers ont assisté dimanche matin à une rencontre culturelle organisée par la Faculté de la Manouba en collaboration avec l’Institut français de Tunisie dans le cadre de la manifestation ” Djerba Invite la France “.
L’Office du tourisme a également organisé une visite guidée au profit des journalistes dans l’île. Trois jours durant, Djerba a su prouver au monde que la Tunisie demeure, malgré les menaces persistantes, une terre de paix et de coexistence.