La plaque commémorative dédiée au martyr Chokri Belaïd et érigée Place des droits de l’homme à Tunis qui a été dévoilée lundi par le chef de l’Etat Béji Caïd Essebssi à l’occasion de la commémoration du 4e anniversaire de l’assassinat de l’ancien secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié, a suscité une polémique dénonçant la gravure en grands caractères et en couleur dorée du nom du président de la République au-dessus du nom du martyr.
Les réactions à propos de cette plaque commémorative ont pris une large proportion. Plusieurs activistes et acteurs de la scène politique ont considéré qu’elle n’a pas été à la hauteur du parcours du martyr Chokri Belaïd, fervent militant contre l’obscurantisme et la dictature.
Sur les réseaux sociaux, des acteurs de gauche et des membres du Front populaire et du Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU) ont estimé que cet hommage a eu un effet contraire et au lieu de valoriser le martyr, c’est l’inauguration par le chef de l’Etat qui a été mise en relief.
Dans ce contexte, Mourad Hmaïdi, dirigeant du PPDU a estimé que ” la plaque commémorative nuit à l’image de l’homme qui s’est sacrifié pour faire réussir le processus de transition démocratique “, dénonçant l’absence de négociation avec la famille politique du martyr sur les détails de cette inauguration qui, a-t-il dit, a servi l’image politique du président de la République.
Hmaïdi a souligné que l’important dans cette affaire c’est de révéler toute la vérité sur l’assassinat du leader politique Chokri Belaïd et non pas d’organiser de tels évènements.
Pour sa part, le député du Front populaire Jilani Hammami a qualifié cette commémoration ” de véritable mascarade qui rappelle les anciennes pratiques visant toujours à privilégier le premier responsable “, appelant le chef de l’Etat à honorer ses engagements électoraux et à révéler la vérité sur l’assassinat de Chokri Belaïd. Pour lui, cette affaire ne doit pas se limiter au volet pénal puisqu’il s’agit d’un assassinat politique et d’un crime d’Etat dont les parties qui étaient au pouvoir assument entièrement la responsabilité.
De son côté, le député de Nidaa Tounes Riadh Jaïdane a estimé que cet hommage revêt une symbolique particulière et témoigne d’un grand respect de la mémoire du martyr, appelant toutes les parties à éviter les surenchères qui, selon lui, n’ajoutent rien au dossier de Belaïd.
Pour Jaidane, la forme de la plaque commémorative ne reflète aucunement l’engagement moral du président de la République envers les martyrs de la nation comme Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi ainsi que les martyrs des institutions militaire et sécuritaire.
Pour sa part, le cinéaste spécialiste en sémiologie Abdallah Chamekh a avancé les remarques suivantes : d’abord le fait de graver le nom du chef de l’Etat en premier et en grands caractères alors qu’il fallait mettre en avant le nom du martyr. Du point de vue esthétique, le choix de la couleur dorée pour graver le nom du chef de l’Etat est habituellement utilisée pour l’inauguration d’un projet économique ou social et non pas pour commémorer l’anniversaire de décès d’un leader.
Par ailleurs, le sociologue Mouldi Gassoumi, membre de l’ancienne instance pour la réalisation des objectifs de la révolution a estimé que cette gravure dénote une culture politique ancrée dans l’histoire de notre pays celle de la glorification du président.
Des sources de la présidence de la République ont confié à l’agence TAP que le Président de la République n’a pas également apprécié la forme de la plaque commémorative, évoquant la possibilité de la changer pour donner plus de valeur et d’importance au martyr Chokri Belaïd et souligner l’attachement du chef de l’Etat à cette affaire.