“Lampedusa”, cette île déserte (16ème-19ème siècle), connue par la chronique de la migration clandestine en Méditerranée, auparavant la “chapelle” où était niché le tombeau d’un saint musulman, était au carrefour de la navigation dans le bassin méditerranéen pour les bateaux ottomans, arabes européens où ils faisaient escale pour s’approvisionner en eau et en bois de forets.
C’est ainsi que la décrit Dionigi Albera, anthropologue italien en commentant une pièce exposée au Musée du Bardo dans le cadre de l’exposition lieux saints partagés qui se tient du 19 novembre au 12 février 2017. Commissaire de l’exposition auparavant, dans la version du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), il précise que cette pièce représente une sorte de crèche, réunissant la sainte famille, la vierge Maie et l’enfant Jésus, en train de sauver un naufragé. Cette image incarne selon lui, cette île qui était une sorte de lieu de trêve grâce à ce sanctuaire, où en moment de guerre, les gens laissaient des offrandes (objets, nourritures) destinées uniquement aux naufragés. D’ailleurs, a-t-il avancé, cette île a gardé sa vocation de lieu de partage par cette histoire encore présente dans la mémoire.
Pour Dionigi, avec la division qui marque le monde actuel, le musée national du Bardo, qui était le théâtre d’une attaque sanglante en 2015, présente une exposition qui essaye d’aller à contre courant en montrant ce qui est commun. D’ailleurs, a-t-il fait observer, le thème de l’exposition ne concerne pas spécialement les religions mais la religiosité en tant que définition plus large. A ce sujet, Dionigi Albera met l’intitulé de l’exposition dans son contexte le plus précis en définissant la portée de chacun des mots :Lieux Saints partagés.
Pour le mot lieu saint, il faut faire, selon lui, la distinction entre lieu saint et lieu de culte qui est davantage le lieu de la fréquentation ordinaire où une communauté de croyants se rend de manière régulière pour la prière et la vénération. Le mot renvoie même à la dimension de communauté, “ce qui est la signification étymologique des appellations synagogue, église et mosquée qui laisse entendre aussi “l’assemblement” ou “réunion”.
Tandis qu’un lieu saint est un lieu de pèlerinage fréquenté d’une manière non régulière, et qui est en général plus chargé d’une force spirituelle. Expliquant le mot “partagés”, il a tenu à préciser que dans les lieux de culte, il existe toujours un partage, mais d’une manière différente et plus organisé.
En suivant le fil des lieux saints partagés, l’exposition du Bardo montre aussi un autre type de partage, celui du partage entre les symboles, les croyances, les personnages saints, par exemple bibliques, qui sont reconnus par les juifs, les musulmans et les chrétiens. D’ailleurs, a-t-il mentionné, tous les objets exposés du rituel quotidien dans les trois religions monothéistes sont perçus comment éléments complémentaires à l’exposition composée notamment de monuments historiques, de tableaux et les livres de la Torah, de la Bible et du Coran.
Au sujet des valeurs du partage aujourd’hui, Dionigi a évoqué un projet à Berlin (Allemagne), portant sur la création d’un lieu de culte commun aux trois religions doté d’espaces pour musulmans, juifs et chrétiens avec une salle commune.