«Après l’attentat de Nice, perpétré par un Franco-tunisien, Berlin s’avère être l’œuvre d’un autre Tunisien. Si la Tunisie n’a pas le monopole des combattants djihadistes, elle est le premier pays étranger (hors Syrie et Irak) fournisseur de “main-d’œuvre” à Daech et Al-Qaïda. Le chiffre de 5.000 a été avancé. Et Daech a, certes, subi des revers en Irak et en Libye (la ville de Syrte a été libérée de leur joug après sept mois de combat), mais n’a pas disparu des radars sécuritaires, loin de là».
Il s’agit là de l’attaque d’un article publié par le correspondant du magazine français «Le Point» en Tunisie, intitulé “La Tunisie face à ses démons djihadistes“, publié jeudi 22 décembre 2016. Il conclut en disant que «La Tunisie de 2016 ne peut se contenter de rejeter la faute sur les autres pays, la Libye notamment. Elle doit trouver le moyen de se réconcilier avec sa jeunesse».
Monsieur Delmas, qui a insisté sur la responsabilité des autorités tunisiennes dans la radicalisation des jeunes a préféré ne pas insister sur le rôle joué par la Troïka à ce propos. Pour lui, l’ère Ben Ali a été la cause de tous les maux.
Il oublie en passant que les terroristes les plus dangereux ont été enrôlés dans l’Europe des droits de l’Homme, en commençant par le terroriste français, d’origine tunisienne, Abou Bakr Al Hakim, impliqué dans l’assassinat du martyr Chokri Belaïd et dans l’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo.
L’autre Tunisien, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, celui qui a perpétré l’attentat de Nice, dramatique, et que tous les Tunisiens sans exception ont condamné avec véhémence, a été radicalisé en France après y avoir résidé pendant au moins 7 ans. Il a d’ailleurs usé du mode opératoire de deux Français, des déséquilibrés: le 22 décembre 2015 l’un d’eux fonce sur la foule à Nantes blessant 10 personnes, et l’autre, dans la même journée, fonce également sur la foule avec sa Clio à Dijon.
Anis Amri, suspect numéro un dans l’attentat de Berlin où 12 personnes ont trouvé la mort et abattu aujourd’hui (vendredi 23 décembre 2016) à Milan est, lui, arrivé en Allemagne en 2015 après avoir passé 4 ans dans une prison en Italie. Identifié comme un militant islamiste «dangereux», il n’a pas été mis sous haute surveillance ou arrêté, mais c’est bien sûr la faute de la Tunisie ou de ses autorités publiques qui auraient refusé son expulsion par l’Allemagne.
Il est entendu qu’en exposant ces faits, nous ne nions nullement la responsabilité de notre pays, particulièrement du temps de la Troïka, et même une certaine complicité de la part de certains décideurs de l’époque qui devraient être jugés. Cependant, cela n’explique pas l’acharnement des médias français sur notre pays dont Le Figaro, le Point et bien évidemment France24 pour laquelle le monde entier se réduit à la «catastrophe» tunisienne. La France souhaiterait peut-être venir faire le ménage chez nous !
La responsabilité des gouvernants depuis 2011 et particulièrement 2012 n’est pas négligeable. Nous n’oublierons jamais les milliers des jeunes exportés vers la Syrie ou l’Irak et enrôlés au vu et au su des autorités de l’époque.
Parmi eux des convaincus formatés dans les mosquées et les groupuscules islamistes et d’autres intéressés par le gain et l’argent. Des jeunes qui ont, rappelons-le, rejoint l’opposition modérée défendue avec beaucoup d’enthousiasme par l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui, évoquant la Syrie, parle d’un pays martyr. Il oublie, en passant, qu’il s’est autorisé lui et ses pairs à intervenir dans un pays souverain au mépris de toutes les conventions internationales. Il faut vraiment être naïf pour le croire.
N’oublions pas non plus que le Parlement français avait, le 18 juillet 2012, applaudi le discours de Moncef Marzouki, le pire des présidents que la Tunisie ait connus, qui avait littéralement déclaré: «De la même façon qu’il existe en Occident, en Allemagne ou en Italie, des partis chrétiens-démocrates, il y a et il y aura dans le monde arabe de plus en plus de partis islamo-démocrates, dont Ennahdha n’est que le prototype tunisien. On oublie que l’islamisme est un spectre qui va d’Erdogan jusqu’aux talibans. En Tunisie, nous avons la chance d’avoir la partie centrale de ce spectre. Ennahdha a adhéré à la démocratie; certains disent que c’est par tactique, pour d’autres, comme moi-même, que c’est par conviction».
Il se trouve que tous ces contingents de djihadistes dont le nombre, n’en déplaise à beaucoup, n’est pas aussi élevé que vous voulez bien le faire croire, monsieur Delmas, ont augmenté considérablement du temps où la Nahdha était maîtresse à bord.
Monsieur Delmas, j’ai essayé de parcourir vos articles sur la Tunisie, je n’en ai pas vu un qui évoque des success stories, la lutte de centaines de milliers de Tunisiens pour sauver leur pays de l’ogre islamiste et ses gourous, ou l’économie nationale de la destruction. Je n’ai pas lu un article où vous parlez des prix décernés à des chercheurs, sportifs de haut niveau ou des start-uppers. En tant que correspondant, seriez-vous tenu de ne parler que politique ou de vous en tenir à tout ce qui peut salir l’image de notre pays? En tant qu’enseignant dans une école de journalisme, apprenez-vous à vos étudiants que vous êtes Dieu sur terre et que ce que vous dites est de la science infuse?
Devons-nous vous rappeler le rôle de votre gouvernement: la France dans les massacres des enfants, femmes et jeunes syriens par l’opposition islamiste modérée? Devons-nous vous rappeler que votre Sarkozy a été l’un des initiateurs de l’apocalypse libyenne et que les conséquences sur nous autres Tunisiens sont des plus néfastes?
Et si vous commenciez par reconnaître la responsabilité de votre pays, dans ce qui se passe dans notre région, monsieur? Ou est-ce que l’humilité vous fait défaut?
Malgré le passage dramatique de la Troïka en Tunisie, notre héritage civilisationnel nous permet à nous citoyens tunisiens et à la société civile patriote et avisée de résister à toutes les vagues destructrices venant de certains médias qui «s’éclatent» en s’exerçant par leurs écrits à détruire l’image de la Tunisie. Nous sommes réellement une vieille civilisation, monsieur Delmas, notre éveil à la culture, aux arts et au savoir n’a pas commencé au VIIIème siècle comme c’est le cas pour vous avec Charlemagne et “l’invention” des écoles.
Nous resterons civilisés même si une horde de barbares et de coupeurs de têtes qui font du terrorisme « modéré » comme, déclaré lors d’un reportage sur LCI, s’acharnent sur nous voulant détruire notre histoire et hypothéquer notre avenir.
En attendant, et si vous essayiez un peu de changer de registre (Voir plus bas les titres des articles de Benoît Delmas), pour parler un peu d’une autre Tunisie, celle qui se bat, qui crée et qui avance malgré tout? Ceci, mise à part l’école privée de journalisme où vous enseignez et où les étudiants paient au prix fort leur formation. D’ailleurs vous n’avez presque jamais parlé de l’efficacité de nos services de sécurités ou d’attentats déjoués. C’est bien pour cela que nous ne vous demanderons jamais d’être “notre office du tourisme”, vous n’assureriez pas. Pour valoriser un pays, il faut l’aimer. Et cela se voit que vous n’aimez pas le nôtre, vous profitez plutôt de nos malheurs, c’est très payant apparemment dans les médias français !
Amel Belhadj Ali
Les titres de certains articles de Benoît Delmas :
- Tunisie : Qui a tué l’ingénieur Zouari?
- La Tunisie est face à un meurtre politiquement explosif….
- Tunisie : En 2016 la loi permet à un violeur d’épouser sa victime…
- Tunisie : un budget 2017 dans la douleur…
- Moncef Marzouki : En Tunisie, l’ancien régime est revenu…
- La Tunisie vit sous la menace mafieuse des hommes de main de l’ancien régime
- Luttons contre “la mise à sac de la révolution”, scande le journaliste et écrivain Benoît Delmas.