Le gouvernement n’entend pas céder. C’est le message qui transparaît en filigrane de la mise au point publiée début décembre 2016 par le ministère des Finances, soit un jour après la grève de trois jours décrétée par l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT). Ce ministère, qui avait jusqu’alors fait le dos rond face aux critiques de cette organisation, y répond aux critiques et accusations de ce dernier dont il fait l’objet. Et, chose exceptionnelle en Tunisie, ce département le fait en révélant le contenu de courriers de la partie adverse.
Dans ce «communiqué à l’opinion publiques», le ministère des Finance rappelle, d’abord, qu’il a reçu, à partir du 8 septembre 2016, plusieurs missives du président de l’ONAT, dont celle inscrite sous le n°2424, adressée le 16 du même mois, et qui «visent toutes à doter les avocats d’un régime fiscal spécial à travers le changement du mode de perception de l’impôt, et ce en instaurant un timbre fiscal pour l’ensemble des travaux des avocats».
Et, d’après le ministère, cette proposition des avocats a été justifiée par le fait qu’elle vise à permettre à l’administration fiscale «de concentrer ses efforts en la matière sur d’autres domaines qu’elle n’a pas pu couvrir» jusqu’ici et à garantir des revenus «quotidiens et importants à l’Etat et l’instauration d’un contrôle» en amont en ce qui concerne l’exécution du devoir fiscal, et ce en permettant «à la justice de contrôler les travaux des avocats»; travaux qui, en l’absence d’acquittement de cet impôt, «devienne caducs».
Face à cette «noble volonté (des avocats) d’aider à la transparence du contrôle fiscal et à la réalisation de la justice fiscale», le ministère des Finances a entrepris d’étudier la demande des avocats «de manière profonde, notamment d’un point de vue constitutionnel et procédural».
Par la suite, le ministère a reçu, en date du 7 octobre 2016, un nouveau courrier (n°2470) du bâtonnier dans lequel l’ONAT modifie sa proposition «afin d’introduire une avance sur l’impôt sous forme de timbre fiscal en fonction du type de travail effectué par l’avocat, au lieu de l’acompte provisionnel».
Donc, le ministère des Finances écarte ainsi d’un revers de main l’accusation des avocats qu’il veut leur imposer un régime fiscal puisque ce sont eux qui l’ont proposé. Toutefois, le ministère admet qu’il a repris «les parties les plus importantes» de l’ONAT, mais pas toutes et qu’il n’a écarté que la partie concernant le caractère «libératoire du timbre fiscal» -autrement dit, les avocats n’auraient pas à acquitter un montant supplémentaire quel que soit le nombre des travaux effectués et le montant des revenus- et l’exonération des hommes en robe noire de tout contrôle fiscale ultérieur; demandes rejetées parce que «contraires aux dispositions de l’article 10 de la constitution, au principe de justice fiscale et aux lois en vigueur».
En réaction, l’Ordre national des avocats de Tunisie a retiré sa proposition, indique le ministère. Après «ce revirement injustifié de Monsieur le bâtonnier», plusieurs réunions entre les deux parties ont été tenues, dont une dernière le 24 novembre au siège du gouvernement à La Kasbah, après lesquelles «le ministère a été surpris» par l’escalade des avocats –qui ont annoncé une grève de trois jours à partir du mercredi 30 novembre- «alors qu’on a cru être parvenu à une solution amiable et équilibrée».
Enfin, le ministère des Finances annonce qu’il est prêt à «poursuivre un dialogue sérieux et responsable avec les représentants des avocats», mais «sur la base de la règle de la justice fiscale et du respect des lois». Les avocats qui menacent d’aller plus loin dans l’escalade et de bloquer purement et simplement le fonctionnement de la justice vont-ils se raviser et saisir la main tendue par le ministère des Finances?
Moncef Mahroug