“Le retard accusé dans l’élaboration de la Loi de Finances complémentaire 2016, (LFC) va sans aucun doute impacter la LF 2017. En effet, la règle veut qu’une loi de Finances pour une année donnée, soit élaborée à partir de ce qui est attendu pour l’année en cours, en supposant que la loi de finances va être normalement bouclée “, déclare l’économiste Ezzeddine Saidane, dans un entretien avec l’agence TAP.
Saidane explique que “la priorité a été donnée à la Loi de finances 2017, pour se conformer au délai constitutionnel (soumission à l’ARP avant le 15 octobre 2016), alors que la LFC n’est liée à aucun délai”, sauf celui du 31 décembre.
A ce propos, il y a lieu de préciser que le projet de Loi de Finances complémentaire est toujours au ministère des Finances, en attendant d’être, prochainement, soumis à un conseil des ministres.
Pour l’expert, “le respect du délai constitutionnel pour la LF 2017, n’était pas facile pour ce gouvernement, qui n’a fait que s’approprier précipitamment, le projet préparé par le gouvernement sortant, en se contentant de modifier quelques aspects. Et c’est ce qui explique aujourd’hui, toutes les confusions soulevées au niveau de ce projet”.
Et de poursuivre, en Tunisie, depuis 2011, on a toujours eu une LF et une LFC. Ce qui a beaucoup entaché la crédibilité de cet ” outil politique ” qu’est la loi de finances.
Ceux qui s’intéressent de près à la finance publique en Tunisie, ont fini par admettre le caractère provisoire des mesures et chiffres avancés par chaque nouvelle loi de finances. Et c’est pour le moins destabilisant et dommageable pour l’économie nationale. Que dire si on se permet, en plus, des retards pareils pour rectifier le tir, s’agissant de la LF 2016.
“Aux contradictions et aux confusions de la LF 2017, s’ajouteront bientôt les confusions de la LFC 2016, qui ne serait pas à mon avis, de meilleure qualité, vu la précipitation avec laquelle elle est finalement, élaborée ” dénonce-t-il.
Pour conclure sur ce point, notre interlocuteur estime que “nous sommes en fait dans une situation très bizarre, mais à la limite attendue, avec un gouvernement d’union nationale qui n’est soutenu par personne. Une vérité qui se révèle avec toute loi importante soumise au débat.
Toute l’approche était fausse dès le début, avec un pacte de Carthage qui était rédigé dans le seul objectif d’avoir le maximum de signatures et de montrer un semblant d’union nationale “.
LFC : combler un gap de près de 3 milliards de dinars
Au sujet de la LFC, proprement dite, Saidane souligne ” que son objectif est de combler le gap budgétaire qui avoisine les 3 milliards de dinars, lequel résulte de deux phénomènes importants. Il s’agit d’abord un retard enregistrée au niveau de la rentrée des recettes fiscales, qui étaient plus lentes et moins importantes que prévu.
Et ensuite, d’un problème de mobilisation des ressources d’emprunt initialement prévues et qui n’ont pas été mobilisées dans leur totalité “.
Sortie extrêmement périlleuse sur le marché international
“C’est pour cette raison que la Tunisie sortira sur le marché international pour contracter un emprunt d’un milliard d’euros, soit 2,5 milliards de dinars.
C’est une sortie extrêmement périlleuse, puisqu’elle se fait en fin d’année, au moment où les banques sur le marché international, sont plus occupées à boucler leurs bilans et leurs années financières, et vu la dégradation de la notation de la Tunisie et les conditions difficiles dans lesquelles elle se trouve”.
Deux risques s’associent, selon lui, à cette sortie, “le premier, c’est de ne pas pouvoir mobiliser tout le montant, ce qui serait un signe extrêmement négatif pour la Tunisie. Le second, c’est que même si le pays arrive à mobiliser le montant demandé, cela se ferait à des conditions extrêmement onéreuses.
On s’attend, d’ailleurs, à une marge au-dessus de taux du marché de l’ordre de 7 à 8%. Ce qui serait énorme ” .
Et l’économiste de rappeler ” qu’avant la révolution, la Tunisie empruntait pour des périodes très longues à ½ point au-dessus du taux de marché. Passer à 7 ou à 8 % revient à payer 14 ou 16 fois, ce que la Tunisie payait avant “.
L’inquiétude de l’économiste est d’autant plus grande que le montant contracté servira essentiellement, “à payer les salaires ou les augmentations de salaires, ce qui se traduira inévitablement par de l’inflation. Nous contractons des dettes, à des conditions très difficiles, pour créer de l’inflation supplémentaire….”.