Tunisie : Un formulaire de consentement pour protéger les femmes victimes de violence

L’Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) a organisé, vendredi au siège de son centre d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violence de Tunis, un atelier visant à produire un formulaire de consentement “libre et éclairé” destiné à préserver les droits des femmes victimes de violence souhaitant témoigner dans les médias.

S’inscrivant dans le cadre du projet “Droits humains des femmes et traitement médiatique des violences sexistes en Tunisie”, ce formulaire est un document qui vise à protéger ces femmes victimes des dépassements médiatiques pouvant porter atteinte à leur dignité ainsi que de toutes les formes de stigmatisation, notamment à travers la préservation de son identité et ses données personnelles, a indiqué à la TAP, Moufida Missaoui, membre du comité directif et chargé des médias à l’ATFD.

Proposé par Monia Kari, juriste universitaire, ce document définit “le consentement libre “comme un étant un acte qui doit être obtenu sans aucune forme de pression ou de menace ( Menaces de représailles, de contrainte). La femme est libre de refuser le témoignage et le journaliste doit respecter la volonté de la victime.

Le “consentement éclairé” signifie que la femme a reçu toute l’information pertinente sur le témoignage à faire et ses modalités de recueillement de manière à connaître les différents options qui s’offrent à elle ainsi que les éventuels risques qu’elle encourt.

Le consentement ne peut être exprimé qu’après avoir reçu de la part du journaliste une information claire et complète sur la nature du programme auquel la femme victime va participer. Cette dernière doit également saisir l’importance de son témoignage et ses effets positifs sur sa santé psychologique en particulier et sur les autres femmes victimes de violence en général.

Selon le même document, le consentement au témoignage est révocable à tout moment, dans la mesure où la femme peut se rétracter dès qu’elle le souhaite et le journaliste doit respecter le refus de la femme de consentir au témoignage ou de ne pas répondre à certaines questions ou prendre la peine de se justifier.

Une fois le consentement est donné, le journaliste devra faire preuve d’objectivité et impartialité pendant son entretien avec la femme victime, dans la mesure où il doit de se garder de tout verdict moral et ne doit porter aucun jugement sur le comportement de la victime.

Il est également appelé à respecter les droits fondamentaux de la femme et sa dignité, à ne pas blâmer la victime pour sa propre victimisation et à ne pas identifier la victime ( visage, voix, nom et prénom, adresse).

Nécessité d’obtenir l’accord de la femme pour divulguer les documents qui témoignent de la violence, de ne pas montrer des vidéos ou photos de scènes rappelant les agressions subies sans l’accord de la victime et de ne pas rechercher des éléments négatifs au sujet de la victime, figurent également parmi les obligations qui incombent au journaliste.

La tenue de cet atelier coïncide avec une polémique déclenchée récemment par les réseaux sociaux et certains médias suite au comportement jugé “déplaisant” d’Alaa Chebbi, animateur de l’émission Andi Mankolek diffusée sur la chaîne Al Hiwar Tounsi avec son invitée qui est une jeune fille violée et enceinte de son agresseur.
Ce dernier avait demandé à la victime d’épouser son agresseur conformément à ce que prévoit la loi afin de régler la situation.

Interrogée sur cette affaire, Missaoui a indiqué à la TAP que l’ATFD avait déjà adressé et à maintes reprises des rappels à l’ordre au propriétaire de la chaîne pour revoir le traitement médiatique qui “banalise la violence exercée sur la femme” sans pour autant toucher à la liberté de la presse.

Pour ce qui est de l’article 227 bis du code pénal tunisien énonçant que le mariage de l’agresseur avec la victime suspend les poursuites ou les effets de la condamnation, Missaoui a souligné que cette loi est “une violence légale” exercée à l’encontre des victimes et encourage à l’impunité des violeurs.

Elle a, dans ce contexte, indiqué que le projet de loi intégrale sur la violence faite aux femmes élaborée par les expertes de l’ATFD et qui est actuellement sous la loupe de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), entend justement protéger ces femmes victimes de violence et lutter contre l’impunité, notamment à travers la suppression de l’article 227 Bis du code pénal.