Il ne se passe pas un jour sans que sur les réseaux sociaux, dans les débats radiophoniques ou télévisés ou dans la presse écrite et électronique, on ne parle de la nécessité de respecter et d’appliquer la loi. En l’absence d’un Etat de droit, personne n’est à l’abri, qu’il s’agisse du citoyen lambda, des institutions de l’Etat ou des investisseurs locaux ou étrangers.
«L’injustice ne peut être commise que par ceux qui échappent à la loi commune, ceux qui disposent de l’autorité et du pouvoir», jugeait notre ancêtre Ibn Khaldoun. Il ne pouvait mieux dire sauf que, aujourd’hui, nous ne sommes pas dans le schéma classique d’une «dictature» où les tenants du pouvoir décident et imposent tout. Dans la Tunisie d’aujourd’hui, nous assistons à des Etats dans l’Etat, ceux des politiciens véreux et corrompus liés par leurs intérêts aux lobbys des affairistes et contrebandiers, ceux des corps de métiers qui mettent leurs intérêts égoïstes au-dessus de ceux de la patrie, ceux des mafias qui se sont emparés du pays depuis 2011, et enfin ceux de certaines associations qui échappent au couperet de la loi et dont les pratiques sont plus que douteuses. Des associations qui récoltent les fonds et parfois participent même à des opérations commerciales ou des ventes aux enchères. D’où amènent-elles les fonds, qui les financent et qu’en est-il du contrôle de l’Etat face à ce qui se trame sur le territoire national?
Le sport favori des semblants d’élites: saper le rétablissement de l’Etat de droit
Les déclarations officielles de l’application de la loi tournent, à quelques exceptions près, à la fanfaronnade, soumises qu’elles sont à la logique du consensus devenue destructrice pour le pays. Pire, des pratiques et discours «écœurants» émanant de ceux qui n’ont pas réussi au niveau de ce que nous pouvons appeler «élites politiques» et qui sont plus des calamités politiques s’adonnant à un sport favori: saper tout effort de rétablissement de l’autorité de l’Etat!
Kerkennah, Gafsa… ont été pendant longtemps les plaies de la Tunisie avec des gouvernements qui se suivent et se ressemblent. Ils n’ont pas fait grand-chose pour rétablir l’ordre et mettre au pas ceux dont les pratiques s’apprêtent plus à des insurrections et du grand banditisme qu’à des revendications légitimes et légales. L’affaire de Jemna a été la cerise sur le gâteau et, qui plus est, elle est couverte et soutenue par ceux qui ont fait de la défense des veuves et orphelins leur gagne-pain devenant de plus en plus des nantis.
«A partir de Jemna démarre la bataille de la citoyenneté et la lutte contre les malversations des lobbys, la corruption de l’Etat des Mamelouks et des brigands… De combien de temps aurons-nous besoin pour que les maîtres de la véritable citoyenneté arrivent à la Kasbah et à Carthage»… C’est de Adnen Mansar, universitaire -la honte- qui a oublié que la corruption et l’économie parallèle ont vu leurs jours de gloire du temps où lui-même était à Carthage. A lire ce statut qu’il a posté sur FB, il faudrait faire une oraison funèbre et enterrer ce qui est resté de la Tunisie après le passage de pareils énergumènes à la Kasbah et à Carthage et se demander si le parquet n’est pas mort avec ce qui a disparu de notre pays en matière de respect de l’Etat de droit.
Lorsque que vous avez un Hammami qui a très peu travaillé dans sa vie approuver la spoliation de Jemna, il faudrait pleurer à chaudes larmes la gauche tunisienne patriote!
Et lorsque vous avez un Noureddine Mekki qui assiste à une vente aux enchères illégale à Jemna, vous réalisez encore une fois que la Nahdha n’a jamais cru ni en l’Etat ni en ses institutions.
Ibn Khaldoun, père de la sociologie moderne, reste d’actualité, lui qui avait écrit: «S’il y a spoliation brutale, si des atteintes ouvertes sont apportées à la propriété privée, aux femmes, aux vies, aux personnes, à l’honneur des sujets, le résultat en sera la désintégration soudaine, la ruine, la rapide destruction de la dynastie, en raison des inévitables troubles suscités par l’injustice… En réalité, la cause de tous ces abus, c’est le besoin d’argent que l’habitude du luxe entretient chez les gens au pouvoir [Or] la leçon de l’Histoire, c’est que l’injustice ruine la civilisation et, par suite, la dynastie».
Qui détient le pouvoir aujourd’hui en Tunisie?
Qui a le pouvoir aujourd’hui dans notre pays? Ceux de la Kasbah, de Carthage, de l’ARP? Les partis politiques agissant de derrière les rideaux? Ou ceux qui, installés dans leurs confortables bureaux, sièges associatifs ou mêmes acquisitions achetées grâce au blanchiment d’argent, beaucoup d’argent et qui ont réussi à créer partout des réseaux pour échapper au tranchoir de la loi?
Comment lutter contre la décadence qui menace la survie même de nos institutions, et la nôtre, si ce n’est pas l’application de la loi et le règne de la justice?
Le 6 octobre 2016, le groupe citoyen «On a été embêté pour vous» (OAEEPV) a officiellement lancé la campagne média et le Manifeste Citoyen appelant au respect de la loi et son application. C’était sur Change.org car le but est de mobiliser l’opinion publique et d’interpeller les pouvoirs publics sur la nécessité d’user de la contrainte légale pour mettre fin à tous les abus.
6 jours plus tard, la pétition est considérée comme étant la plus populaire sur Change.org avec 2.180 vues et tout juste 823 citoyens engagés. Parmi eux, seulement 11 personnalités publiques, soit 0.01% des citoyens engagés dont 5 hommes et femmes de médias, 4 artistes et hommes de lettres et 2 militants dans la société civile.
Les médias ont accordé l’importance due à l’initiative. 11 émissions radio et de télévision ont invité les responsables de l’action et en ont parlé avec une grande couverture des médias écrits et de la presse électronique dont Webmanagercenter, Directinfo, Highlights, WePost, Huffington et Post Maghreb. 40% seulement de ceux qui voient le manifeste y adhèrent. Est-ce à dire que les 60% restants n’en sont pas convaincus?
La Tunisie a besoin d’ordre, les Tunisiens ont besoin d’un Etat de droit. Le manifeste lancé par le groupe OAEEPV n’est que le début d’une longue lutte pour le rétablissement de cet Etat de droit et la reprise de la confiance des citoyens en l’Etat.
Amel Belhadj Ali