La chaîne de télévision privée Attassia, dont des journalistes zélés ont annoncé, ce jeudi 15 septembre, dans la précipitation la plus totale et sans aucune preuve tangible, que la chaîne a subi des pressions de la présidence de la République et de la présidence du gouvernement pour ne pas diffuser une interview de l’ancien président Moncef Marzouki, a décidé, au terme de cette polémique «made in Attassia», de diffuser intégralement l’interview à la date qu’elle jugera utile.
Cette décision a été annoncée, aujourd’hui, sur les ondes de radio Mosaïque Fm, par le propriétaire de la chaîne, Moez Ben Gharbia qui, fidèle à son habitude, n’a pas eu le courage de révéler, en dépit de la demande pressante de l’animateur de Mosaïque et du Syndicat des journalistes, les noms des ministres et conseillers qui auraient contacté la rédaction de la chaîne pour censurer l’interview de Marzouki.
Moez Ben Gharbia n’est pas à son premier buzz
Il faut reconnaître que Moez Ben Gharbia a tendance à devenir un spécialiste des fausses polémiques. Il y a une année exactement (septembre – octobre 2015), il avait créé l’événement avec la diffusion, après sa fuite en Suisse, d’une vidéo dans laquelle il prétendait connaître les auteurs des assassinats politiques et des attentats perpétrés dans le pays, en l’occurrence les meurtres de Chokri Belaid, Mohamed Brahmi et Cherni Socrate, mais aussi des décès suspects de Tarek El Mekki et de l’avocat Faouzi Ben M’rad, ainsi que les attentats du Bardo et de Sousse qui ont fait une soixantaine de morts parmi les touristes.
Au regard de la gravité de ces accusations, le ministère public avait été saisi de l’affaire mais aucune suite ne lui avait été donnée sous prétexte que Moez Ben GHrbia avait fait ces déclarations sous l’effet de la déprime et de la fatigue.
Pour revenir à la polémique créée autour des soupçons de pressions qu’auraient exercées les deux têtes de l’exécutif (présidence + gouvernement), deux représentants de ces deux institutions, en l’occurrence Noureddine Ben Ticha, conseiller à la présidence, et Mehdi Ben Gharbia, ministre chargé des Relations avec les instances constitutionnelles et des droits de l’Homme, ont été amenés à intervenir sur les ondes de Mosaique Fm pour démentir catégoriquement toute intervention pour censurer cette fameuse interview, soulignant le peu d’intérêt politique qu’elle représente pour eux. Ben Ticha est allé jusqu’à défier quiconque prouverait le contraire.
Donc, la seule partie qui semble avoir tiré profit de cette polémique c’est indéniablement Moncef Marzouki et son porteur d’encensoir, Adnane Mansar, secrétaire général du parti Irada. Ce dernier a sauté sur l’occasion pour tenir une conférence de presse et pour crier au scandale et au complot tout comme l’avait fait Moncef Marzouki sur sa page Facebook.
Marzouki aurait pu redire ailleurs les révélations faites au cours de l’interview
Par delà cette agitation stérile des uns et des autres, ce qui est étonnant, c’est qu’aucune partie et aucune personne n’a parlé de manière claire et précise des révélations faites au cours de cette interview et qui auraient pu déranger le pouvoir en place.
Et même, supposons que dans le cas du scénario catastrophe de la censure effective de l’interview, ce qui n’est pas le cas heureusement, l’interviewé Moncef Marzouki n’aurait pas pris la peine de les redire sur sa page facebook, sur les ondes d’une radio ou sur le plateau d’une autre chaîne de télévision fût-elle étrangère.
Cela pour dire qu’il y a trop de non-dits dans cette mauvaise polémique. Espérons que les prochaines révélations nous éclaireront davantage sur cette affaire bizarre.
Une chose est certaine, la crédibilité de la chaîne Attassia auprès du public tunisien est sérieusement touchée. Avec une telle fausse polémique, il semble que la crédibilité de la chaîne soit le dernier souci de son propriétaire.
Moralité: Moez Ben Gharbia, qui est parvenu à réaliser l’exploit de créer sa propre chaîne Attassiaa (ce qui n’est pas donné à tout le monde), semble avoir raté encore une fois son coup ou plus exactement sa “mise en scène“. Connaissant bien cet animateur, il n’est pas étonnant, selon certaines mauvaises langues, qu’il n’ait pas créé cette polémique pour rien.
Abou SARRA