Qui dirige réellement la Tunisie?

rached-ghannouchi-youssef-chahed-Si Rached Ghannouchi, chastement dénommé “président du parti Ennahdha“, a totalement soutenu l’initiative de Béji Caïd Essebsi pour la formation d’un gouvernement d’union nationale (GUN), il ne semble pas apporter le même soutien clair au gouvernement de Youssef Chahed une fois formé. C’est du moins ce que reflètent ses récentes déclarations.

Ainsi, tantôt il ne tarit pas d’éloges à l’endroit de ce gouvernement, tantôt il fait à son endroit des déclarations «peu coopératives».

A titre indicatif, il a déclaré dimanche 4 septembre 2016 à Sfax que «ce gouvernement jeune dispose de véritables compétences pour réussir, particulièrement dans les domaines de l’économie et du développement». Il a même repris à son compte la mise en garde évoquée par Youssef Chahed dans son discours d’investiture quand il avait évoqué la possibilité, si rien n’est fait, de recourir à la politique d’austérité avec comme corollaires le blocage des salaires, la suspension des recrutements, le licenciement de travailleurs…

Dans d’autres endroits et sphères, le gourou tient un discours pour le moins qu’on puisse dire déstabilisateur pour le gouvernement. Ainsi, lors d’une visite à Gafsa, le 27 août 2016, il avait déclaré à la radio régionale de Gafsa que «le gouvernement devrait entreprendre des négociations avec les habitants de cette région, et faire en sorte qu’une partie des revenus du phosphate soit dédiée à ce gouvernorat».

Pour les observateurs de la chose tunisienne, une telle déclaration est bien plus qu’une initiative destinée à déstabiliser le gouvernement, c’est «un véritable projet de guerre civile» d’autant plus que cette question d’exploitation et d’appropriation des ressources naturelles par les régions a été définitivement réglée par la Constitution de 2014 en l’intégrant dans le cadre d’une réforme globale sur le pouvoir local avec comme composantes, la discrimination positive, la décentralisation, la fiscalité locale et régionale.

Ainsi, l’article 13 de la Constitution stipule que «les ressources naturelles appartiennent au peuple tunisien. L’État y exerce sa souveraineté en son nom», tandis qu’on lit dans l’article 136 «… Une part des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles peut être consacrée à la promotion du développement régional sur l’ensemble du territoire national».

Mais le gourou ne s’arrête pas là. Dans une déclaration faite à la Une du Journal Echourouk, publiée lundi 5 septembre 2016, le gourou affirme que «la possibilité pour Ennahdha de retirer sa confiance du gouvernement Youssef Chahed n’est pas exclue». Un gouvernement qui n’a pas encore dix jours d’existence. Sans commentaire.

Apparemment grisé et dopé par l’appui que vient de lui fournir son sponsor régional, le sultan Erdogan de Turquie auquel il vient de lui rendre visite, donne l’impression qu’il est le seul à gouverner le pays, à accorder un satisfecit à celui-là et à retirer sa confiance à tel autre.

Décryptage: drôle de prestige de l’Etat.

ABS