” L’économie tunisienne est à la croisée des chemins entre survie ou effondrement, d’où l’impératif de prendre des mesures urgentes à court terme “, a déclaré l’expert en gestion des risques financiers, Mourad Hattab.
Hattab a rappelé, dans une déclaration, accordée à l’agence TAP, que l’augmentation du taux d’endettement, actuellement évalué à plus de 61% du PIB, est due à l’importation anarchique dont les transactions se font en devises et non à la masse salariale payée en dinar tunisien.
Commentant le discours du chef du gouvernement désigné Youssef Chahed, lors de la séance de vote de confiance au gouvernement, organisée vendredi, à l’hémicycle du Bardo, Hattab a fait remarquer que Chahed a parlé des priorités sans les classer, ne répondant pas, par conséquent, aux attentes des Tunisiens.
Il a avancé, dans ce cadre, que le classement des priorités est plus important que leur identification, ajoutant que “la mention de la loi portant sur le Partenariat Public-Privé (PPP) qui reste floue et du code de l’investissement que l’on peut considérer comme celui du non investissement, n’est même pas à la hauteur des expectatives des partis de la coalition au pouvoir”.
Et de préciser que ces textes de lois ne peuvent pas résoudre la situation de l’économie tunisienne, vu qu’ils manquent de clarté et laissent place au doute.
Le chef du gouvernement aurait du présenter un diagnostic concis de la conjoncture actuelle, comprenant quatre ou cinq priorités, à court terme, car “l’économie nécessite une intervention urgente”, a-t-il affirmé.
Il a souligné, par ailleurs, que le licenciement des fonctionnaires (en cas d’adoption d’une politique d’austérité en raison de l’aggravation de la situation économique ) entraînera une baisse de la consommation et par conséquent le recul de la production et de l’investissement, voire l’arrêt de la croissance.
Le secteur public, a fait remarquer Hattab, ne vise pas le gain et le profit financier, mais est là pour réguler et intervenir en l’absence du secteur privé, ajoutant que la cession des entreprises publiques menace le secteur privé.
Selon l’expert, le nombre des sit-in et grèves a remarquablement baissé, contredisant ainsi les propos de Chahed qui a exprimé sa ferme volonté de lutter contre les grèves anarchiques.
Il a appelé, dans ce contexte, au traitement radical des causes de l’arrêt de la production du phosphate, avant de promettre la reprise de l’activité de la société.
Selon Hattab, rassurer les Tunisiens et nier l’intention de céder des entreprises nationales publiques ou privées, outre la révision du mémorandum et des lettres d’intention échangées entre les autorités financières tunisiennes et les bailleurs de fonds, tout en présentant leur contenu au peuple tunisien sont les priorités principales sur lesquelles Chahed aurait du s’attarder.
La deuxième priorité est le développement de l’investissement à travers l’identification d’objectifs quantitatifs clairs et la présentation des promesses des amis de la Tunisie dans le domaine de l’investissement qui seront révélées, lors de la conférence internationale sur l’investissement, prévue en novembre 2016.
La troisième priorité est la mise en place au moins d’un projet industriel dans chaque gouvernorat vu que la situation sociale dans les régions est devenue insupportable.
La quatrième priorité consiste, selon Hattab, à identifier des solutions urgentes pour remédier à la situation catastrophique de l’environnement dans le pays, laquelle entrave tant l’investissement que le tourisme.
Il a contesté les propos de Youssef Chahed concernant la fiscalité, soulignant que “l’alourdissement des impôts sur les salaires et les entreprises n’est pas la solution idoine, surtout que la pression fiscale dépasse 21%, un taux exceptionnel dans le monde”.
Et de poursuivre que “le Chef du gouvernement aurait du parler du recouvrement des dettes auprès de plusieurs opérateurs économiques en Tunisie et dont le montant a atteint environ 3000 millions de dinars”.
L’expert a signalé, par ailleurs, la nécessité pour le gouvernement de clarifier sa position au sujet de l’accord que la Tunisie devrait conclure avec l’Union européenne (UE), lequel permettra d’intégrer les secteurs de l’agriculture et des services dans l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA).
Et de conclure que Chahed n’a pas non plus évoqué de mesures protectrices exceptionnelles au profit des secteurs économiques “moribonds”, tels que le textile et la chaussure, afin de les prémunir de l’importation anarchique qui s’élève à près de 23 milliards de dinars, surtout que 70% du déficit commercial a pour cause principale l’importation illégale de produits en provenance de la Chine et de la Turquie.