Sihem Ben Sedrine, présidente de l’instance vérité et dignité, a déclaré que l’instance “n’a pas de problème avec l’initiative du président de la république sur le projet de loi de réconciliation économique et financière en tant qu’initiative mais sur les modes et mécanisme de sa mise en œuvre.
“Ce projet, en dépit de ses motivations positives, aura des conséquences inverses et conduira à perturber le processus de justice transitionnelle en raison de l’absence du principe de sécurité légale, outre ses articles qui sont incompatibles avec tout le système législatif”, a-t-elle ajouté devant la presse au terme sa réunion avec la commission de la législation de l’ARP au Bardo.
Elle a estimé que “le projet est en contradiction avec la constitution”, se félicitant toutefois de l’accord du président de la république de l’amender selon les recommandations de la commission de Venise, ce qui constitue à ses yeux “une garantie d’un dialogue sérieux entre les institutions de l’Etat”.
Ben Sedrine a affirmé que “l’instance n’est pas contre le dialogue, elle l’exige”.
“Nous ne contestons pas le droit du président de la république à présenter une initiative, nous ne doutons pas des motivations positives d’assainir le climat économique et impulser l’économie, mais la problématique réside dans le degré du projet de tenir les promesses qu’il donne”, a-t-elle précisé.
La commission de la législation a examiné lors de sa réunion avec la présidente de l’instance vérité et dignité, son vice-président, le président de la commission d’arbitrage et de réconciliation et la présidente de la commission d’investigation, le projet de loi portant sur les mesures de réconciliation économique et financière.
Pour la présidente de l’instance vérité et dignité le projet de la présidence de la république “vide” le système de justice transitionnelle de sa substance, perturbe le processus et le contraint à se dessaisir des outils de divulgation de la vérité, de la reddition des compte, de l’arbitrage et de la réconciliation. “Il garantit même l’impunité pour les coupables de corruption financière et l’appropriation des deniers public”, a-t-elle souligné.
Ben Sedrine a affirmé que “le mécanisme d’arbitrage et de réconciliation dans les affaires de corruption financière et de crimes économiques est du ressort de la commission d’arbitrage et de réconciliation relevant de l’instance vérité et dignité”.
Elle a estimé que les dispositions du projet de réconciliation “constituent un message négatif pour les investisseurs nationaux et étrangers ainsi que pour les institutions internationales qui exigent un climat assaini de corruption administrative et financière”.
De son côté, le président de la commission d’arbitrage et de réconciliation Khaled Krichi, a fait un exposé sur l’avance des travaux de la commission dans le traitement des dossiers, révélant que l’instance a examiné 749 dossier sur la corruption financière et administrative et l’appropriation de deniers publics.
Il a mis en doute la justesse de la création d’une commission parallèle d’arbitrage et réconciliation, estimant que cela équivaut à du gaspillage des finances publiques.
Les membres de la commission de législation ont demandé de leur côté des éclaircissements sur la coordination entre la commission d’arbitrage et de réconciliation et l’instance vérité et dignité. Ils ont soulevé d’autre part la question de conflit de spécialisation entre la commission d’arbitrage et de réconciliation d’une part et l’instance d’autre part.
Les députés ont formulé des réserves sur l’article 12 du projet de loi portant sur l’annulation de tous les verdicts précédents sur la corruption financière et l’appropriation des deniers publics du fait de sa répercussion sur les travaux de l’instance vérité et dignité.
Ils ont mis l’accent sur la nécessité que le projet de loi soit compatible avec les dispositions de la constitution et le système de justice transitionnelle.
Une délégation de partis de l’opposition a été reçu lundi par Mohamed Ennaceur président de l’Assemblée des Représentant du Peuple pour lui exprimer sa préoccupation de voir l’APR entamer les débats sur le projet de réconciliation économique et financière.
Elle a demandé aussi au président de l’assemblée de suspendre l’examen du projet avant l’aboutissement de l’initiative du président de la république de formation d’un gouvernement d’union nationale.