Sous le titre «Que cache la chaîne des frères Karoui?», iWatch soupçonne le groupe des Karoui d’évasion fiscale par le biais d’un groupe de filiales installées dans plusieurs pays, notamment au Luxembourg. «Les premiers documents relatifs à Nessma SA que nous avons consultés et analysés nous ont confirmé l’existence claire et nette d’un lien entre la chaîne télévisée et le Luxembourg».
Mais à l’analyse, on s’aperçoit que le texte de l’enquête publié par iWatch semble avoir été fait dans la précipitation et n’avoir pas été validé par des spécialistes, notamment des experts-comptables susceptibles d’établir la structure des filiales et participations du groupe et leur appartenance effective au groupe Karoui.
Un découvert auprès d’une banque ne peut être une base pour des soupçons de passe-droit ou de corruption que s’il a été prouvé qu’il a été accordé sans garantie ou dans l’irrespect total des procédures normales d’attributions des crédits (ce que ne précise pas l’enquête de iWatch). Il aurait été également important de s’assurer du paiement ou non, à cette date, du crédit en question (le groupe Karoui affirme l’avoir payé avec les intérêts).
Mettre l’accent sur un impayé de 167.000 dinars vis-à-vis de l’ONT n’est pas significatif pour une entreprise de la taille de Nessma, compte tenu de l’importance des investissements et du volume de ses activités dans une conjoncture difficile pour l’ensemble du secteur des médias.
Les soupçons d’évasion fiscale et de transferts illégaux de capitaux sont beaucoup plus suggérés que prouvés par le rapport d’iWatch. L’ONG ne semble pas s’être inspiré de l’exemple du traitement effectué par les médias internationaux ainsi que InkyFada (Tunisie) de l’affaire #PanamaPapers, avec une présentation des faits disponibles et prouvés et d’une lecture qui restait prudente sur ce que ça pouvait supposer, en laissant aux intéressés la possibilité de s’expliquer et à la justice d’enquêter. Il est vrai que dans le cas de #PanamaPapers, l’existence d’un comité de relecture pour valider les textes à publier a son importance, le risque d’extrapolations non justifiés étant important dans le traitement de ce type d’affaires.
Au sujet du chiffre d’affaires de Nessma TV, iWatch souligne des écarts entre les chiffres publiés par la société et les estimations annuelles de Sigma Conseil, sans préciser que les chiffres de SIGMA sont “des estimations brutes“ basées sur les tarifs officiels de la chaîne sans tenir compte des remises, promotions et autres gratuités. Ainsi, seul un audit des comptes pourrait prouver éventuellement l’existence d’une fraude sur les revenus.
Nabil et Ghazi Karoui, au cours d’une conférence de presse organisée mercredi 13 juillet 2016, ont rejeté ces accusations en bloc estimant qu’il s’agit d’une opération orchestrée par des parties occultes et dont les objectifs sont politiques (Nabil Karoui s’étant récemment retiré de la direction de Nessma pour se consacrer à l’action politique au sein de Nidaa Tounes).
Le groupe soupçonne également que cette affaire est une réaction à la ligne suivie par Nessma, notamment dans le traitement récent de l’initiative de Béji Caïd Essebsi pour la formation d’un nouveau gouvernement d’union national. Nabil Karoui estime également que le fait d’avoir été cité comme candidat à la direction du prochain gouvernement soit à l’origine de cette publication d’iWatch.
Les frères Karoui soulignent dans un document distribué à la presse que l’investigation est un travail journalistique qui a ses règles et ne peut être abordé par tout un chacun. Le groupe annonce porter plainte contre iWatch pour diffamation.
Reste à voir la réaction des autorités judicaires, monétaires et fiscales concernant cette affaire qui fait la une de la presse nationale.
MGS