«Bizarrement, Essid m’est devenu sympathique. C’est sûrement cette manière ignoble que certains de ses collaborateurs utilisent pour l’éjecter qui a suscité en moi ce sentiment de sympathie. L’acharnement injuste et trop téléguidé contre ce Monsieur est la preuve de l’incompétence et de l’irresponsabilité de certains membres de son gouvernement. C’est à eux de débarrasser le plancher le plus vite possible». Le commentaire est d’un observateur avisé de la scène politique tunisienne, en l’occurrence l’universitaire Ali Gannoun.
Comment ne pas émettre ce genre d’observations lorsque nous voyons dans quelles dérives glisse la Tunisie. Depuis le discours du président de la République, la Tunisie est à l’arrêt, l’administration est en stand-by, les ministres ne prennent plus de décisions, ils ne savent plus s’ils vont rester ou partir et sur quoi ou qui débouchera cette idée lumineuse de gouvernement d’unité nationale.
La seule activité notable est celle des lobbys politiques, médiatiques et mafieux qui occupent de plus en plus de place dans les sphères de décisions, dans les partis là où ils sont plus ou moins tolérables mais qui deviennent nocifs dès lors qu’ils s’installent dans les hauts centres de décision.
Que ce soit à la présidence, au Premier ministère ou même dans les ministères, nous ne savons plus qui décide pour qui, qui a un ascendant sur qui et où est placé l’intérêt du pays dans tout cela. Les opportunistes, les égoïstes et les magouilleurs ne manquent pas! La Tunisie est leur dernier souci et chacun a son seigneur.
La Tunisie est un navire qui chavire et nous ne savons pas à ce jour si la boussole du capitaine la mènera vers les rives du salut. Aucune visibilité, une machine à l’arrêt et des dangers sécuritaires croissants.
Dans les partis au pouvoir, Ennahdha a repris de l’assurance en rappelant qu’elle est la première force à l’ARP et qu’à ce titre elle peut prétendre à plus de pouvoir pour parachever sa «révolution inachevée» puisque le règne islamiste ne s’est pas encore installé.
Au Majless Al Choura, deux requins ont pris les commandes, en l’occurrence les purs et durs Abdelkrim El Harouni et Abdeltif El Mekki.
Au Nidaa, c’est la descente aux enfers avec des guerres intestines bassement intéressées et des allégeances qui vont plus aux personnes qu’au pays. C’est à dégoûter tout le monde de la politique et des élections.
Afek maintient sa posture d’observateur, et l’UPL est lui-même en butte à de nombreuses dissensions.
Dans tout cela, c’est la Tunisie et son peuple qui trinquent de l’absence de leaders capables de sauver le pays et de le remettre sur le droit chemin.
[xyz-ihs snippet=”Adsense”]Le chef du gouvernement refuse de démissionner et pour cause. Que se passera-t-il le jour où il remettra les clés de la Kasbah à Carthage: qui choisira le monsieur qui occupera sa place? Ennahdha? -laquelle, comme l’a si bien précisé Zied Krichene dans sa chronique, est le bloc le plus important à l’ARP mais n’a pas été plébiscité par le peuple tunisien pour être la première force politique du pays. Ceux qui président aux destinées de ce qui est resté aujourd’hui du Nidaa et qui semblent plus enclins à servir leurs propres intérêt et leurs copains et copines que la Tunisie. Ou les organisations nationales et les partis d’opposition qui n’ont pas le poids nécessaire, constitutionnellement parlant, pour imposer leur élu.
Nous nous attendions après le discours du président de la République à ce que l’alternative ait été réfléchie en amont, à ce que les négociations avec toutes les parties prenantes aient eu lieu, à ce qu’une entente sur les grandes lignes aient été approuvée et à ce que son adoption relève tout juste du formel. Cela ne semble pas avoir été le cas.
Conséquence: le pays est embourbé dans les incertitudes et l’Etat a de nouveau et encore perdu de son superbe!
Un flop? Une pierre dans la marre? Espérons que l’initiative du président de la République n’a pas été dictée par l’impératif de satisfaire ses proches plutôt que de sauver le pays.
Pour l’instant, les Tunisiens se sentent mal, presque désespérés, ils ne croient plus en rien ni en personne. Ils se sentent, et à juste titre, floués et leurrés. Leur pays leur échappe et ils ne savent plus ce que leur réserve l’avenir. Car tout est sens dessus dessous!
Toujours d’après Ali Gannoun, «de plus en plus, il apparaît que le gouvernement d’unité nationale serait un gouvernement d’unité nahdhaoui-nidaiste. Ceci annonce de très mauvais jours. De par la Constitution de malheur, Essid ne peut être démis de ses fonctions par le président… On veut l’obliger à présenter sa démission. Ennahdha, hypocrite plus que jamais, sautille et se frotte les mains de joie: elle joue publiquement la sagesse mais par derrière elle fait tout pour que ça saute. Le conflit permanent c’est sa spécialité car son vœu le plus cher est celui de voir un pays anéanti et sans espoir pour pouvoir le récupérer et le modeler à sa façon. Nos gouvernants (du moins certains) sont passés de politiques aux criminels: ils sont les assassins d’un pays et les meurtriers de son espoir! Rien que pour faire barrage à la folie d’un demeuré politique dont le seul mérite est d’être le fils d’un père chef d’orchestre de la plus grande tricherie politique en Tunisie et associé de traitres et de criminels, je soutiens Habib Essid même si je sais que ses jours sont comptés…»
Rien à ajouter
Amel Belhadj Ali