Les citoyens de la ville du Bardo vont vivre les prochains jours des moments qui seront déterminants pour le présent et l’avenir de leur ville. Un tour d’horizon est nécessaire pour mieux comprendre le sujet.
Depuis bien longtemps, une seule ligne de chemin de fer passagers et marchandises traversait la paisible ville qui ne comptait que quelques petits milliers d’habitants. Essor économique oblige, la banlieue se développe, l’urbanisation se développe à un rythme effréné et la population atteint de nos jours les 120.000 habitants environ.
Début les années 80, et alors que les instances politiques se penchaient sur le conflit grandissant entre habitants et chemins de fer, une idée géniale avait vu le jour pour supprimer cette voie ferrée, en créant une gare centrale à La Manouba, avec une desserte vers Tunis par bus, gratuite pour les passagers.
Pour ce qui est du transport de marchandises, une voie serait construite contournant toute la banlieue passant par Sabkhet Sijoumi.
Les habitants mitoyens de cette voie SNCFT, dont je fais partie, étaient soulagés. MAIS… la décision a pris une autre tournure, et comme un couperet, elle fit le tour de tous les quartiers: une deuxième voie ferrée sera construite. A cette époque personne ne pouvait aller à l’encontre de la décision politique. Et les malheurs de cette ville et de ses habitants ne sont pas finis, car en 2004, un groupe d’intérêt suggéra la mise en œuvre d’un grand réseau ferroviaire rapide (RFR) de 84 km de long, avec un budget mirobolant de 1 milliard de dinars! Je vous passe les détails de l’attribution des marchés à cette époque de l’avant-révolution.
Certes ce projet est d’une importance capitale, indiscutable pour l’économie du Grand Tunis, mais est-ce la seule et unique solution?
Bref, dans ce contexte euphorique du projet du siècle, le Bardo allait recevoir L’HUMILIATION du siècle, car nos chers concepteurs ont décidé de rajouter une 3ème voie ferrée!
Ainsi le Bardo serait divisé en Bardo-Nord et Bardo-Sud, comme les 2 Berlin. Un mur infranchissable séparerait les 2 rives, physiquement. Les piétons et les usagers de voitures devront emprunter des tunnels et des ponts pour aller d’une rive à l’autre et ainsi Sa Majesté La Machine serait le maître des lieux, écrasant tout sur son passage: sécurité, confort, environnement et aspect social de la division de la ville.
Il faut comprendre que le Bardo sud, zone plutôt résidentielle, sera séparée du Bardo Nord, zone commerciale et administrative. Adieu la mixité sociale! Et place à la ségrégation entre zones huppées et zones populaires. Est-ce ainsi (divisés, ségrégués) que les autorités voient l’avenir des citoyens de ce pays, sensés, constitutionnellement, être tous égaux?
Grâce à l’éveil des citoyens Bardolais et des autorités locales, ce projet ne passera pas dans sa version actuelle car il y a en fait d’autres alternatives pour pallier à cette catastrophe. Ils s’y opposeront par tous les moyens, pour une vie meilleure.
Nous avons toujours espoir que le ministère du Transport, la direction de la SNCFT et RFR ainsi que les autorités politiques dans leur ensemble, pourront être à l’écoute des revendications justifiées de tous les Bardolais, car malgré l’avancement précipité des travaux une solution est toujours possible, celle de faire passer les voies ferrées en tunnel et de transformer notre vie… en bien.
Les Bardolais sont aussi prêts à être à l’écoute des autorités, sur leurs contraintes techniques et budgétaires. Une communication saine entre tous les intervenants permettra certainement de trouver la bonne solution pour tous les citoyens du Bardo.
Hatem Benabbes, vice-président de l’Association “Citoyenneté et Environnement”.