L’exposition “Traces, Fragments d’une Tunisie contemporaine” : “un véritable aller-retour dans la réciprocité”

“Traces…Fragments d’une Tunisie contemporaine” constitue “un véritable aller- retour dans la réciprocité pour donner à voir la richesse et la diversité de la Tunisie au delà d’une vision verticale” c’est ainsi qu’a été présentée l’exposition temporaire par le co-commissaire français Thierry Fabre, responsable aussi du département de la programmation culturelle et des relations internationales du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée Mucem.

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Après avoir débarqué pour la première fois en 2015 au Mucem, l’exposition est actuellement visible à l’institut français de Tunisie en deux temps: du 1er au 22 avril et du 28 avril au 19 mai 2016.

Ayant accueilli près de 85 mille visiteurs à Marseille, l’exposition a-t-il dit a été conçue et construite dans la réciprocité des regards et des approches toujours dans le souci de bâtir des ponts entre les deux rives de la Méditerranée, symbole d’une coopération exemplaire entre la Tunisie et la France et entre le Mucem et l’IFT.

La photographie est la boussole pour se resituer face à l’effacement des Traces

L’exposition sur laquelle ont travaillé deux commissaires, Thierry Fabre de France et l’artiste-universitaire (présidente de la fédération des associations culturelles en Tunisie) Sana Tamzini, réunit dans son “Fragment 1” les travaux des artistes Hela Ammar, Ismail Bahri, Fakhri Ghezal, Souad Mani et Zied Ben Romdhane.

Ayant travaillé entre 1989 et 1995 avec l’ancien directeur de l’IMA (Institut du monde arabe à Paris), Edgard Pisani, (natif de Tunis), Thierry Fabre a expliqué lors d’une visite guidée vendredi à la galerie de l’institut français de Tunisie (IFT), que ce projet a été fait, chemin faisant, grâce à une série de rencontres avec environ une trentaine d’artistes tunisiens dans leurs ateliers.

Au fil de ces rencontres, c’est la question des traces, face à l’effacement, au vide et à la disparition, qui revient à chaque fois. Car, a-t-il expliqué, “en captant l’instant et en mémorisant la trace, la photo demeure la boussole pour se resituer”. Et c’est d’ailleurs “la finitude des traces qui a servi de fil conducteur dans cette exposition à deux fragments: la question des traces du point de vue photographique”.

Mettre en avant l’interaction photographique entre le moment politique, esthétique et artistique

Sur ce point essentiel, l’objectif de cette exposition “non exhaustive” est de montrer qu’il existe en Tunisie une scène artistique tunisienne contemporaine extrêmement vivace, forte et fertile.

Loin d’être “esthétique”, cette exposition offre à voir des regards distincts dans une certaine mosaïque afin de faire partager ce regard sur la création tunisienne contemporaine à travers l’image qui donne à voir l’invisible.

C’est le cas notamment pour l’œuvre de Zied Ben Romdhane en zoomant sur le paysage blessé de la Tunisie: la pollution à Gabès.

En effet, c’est pas “une Tunisie de carte-postale” a-t-il noté mais une Tunisie où les photos du passé et du présent s’entremêlent comme dans l’œuvre de Hela Ammar où la technique de chromie en alignant les photos d’archives (premier mouvement nationaliste…) sur celles du présent (sit-in de la Kasbah…), témoigne que les repères changent mais ne disparaissent pas.

Il s’agit de mettre en avant l’interaction photographique entre le moment politique, esthétique et artistique.

Hommage au photographe anonyme, l’indigène Abdelhaq El Ouertani

D’ailleurs, a-t-il précisé, le choix des artistes s’est fait en résonance avec cette dimension: les traces à travers l’image.

Cette profonde immersion dans le monde de l’image, représente en soi “un affrontement des traces pour raconter l’histoire et pour ne pas oublier”. D’ailleurs, au moment de la préparation de cette exposition, Thierry Fabre a déclaré que la question des “Traces” est omniprésente.

C’est en préparant cette exposition, qu’on a pu découvrir “la première trace d’un photographe tunisien sur la Tunisie”: anonyme, le photographe indigène, Abdelhaq El Ouertani (1872-1896), recruté par les services des Antiquités à cette époque pour faire des photos sur les lieux musulmans et formé à l’école des Frères Lumière à Lyon en 1892.

Le Fonds Beit El Bennani dispose de près de 80 plaques originales réalisées par ce premier praticien tunisien de la photographie et dont les photos sont montrés pour la première fois dans le catalogue conçu à l’occasion de l’exposition en Tunisie.

Et pour garder justement les traces, a-t-il fait remarquer, le Mucem a pour la première fois élaboré un catalogue à cette occasion, en collaboration avec l’IFT. Il est édité par la Maison d’Edition à Marseille spécialisée dans les beaux arts “Le bec en l’Air”, ayant remporté en 2015 le 60ème Prix Nadar Gens d’images (récompense depuis 1955, chaque année un livre édité en France et consacré à la photographie ancienne et moderne) pour l’ouvrage “Algérie, clos comme on ferme un livre?”, photographies de Bruno Boudjelal et textes du commissaire d’expositions François Cheval.