Alaeddine Hamdi n’est pas prêt d’oublier cette journée du 18 mars 2015, restée gravée dans sa chair.
Surveillant au musée du Bardo, il porte en lui la douleur du drame. Et l’espoir de ne jamais devoir quitter ce lieu, désormais encore plus chargé d’histoire et de mémoire.
Ce mercredi-là pourtant, il devait se reposer. Mais le hasard en a voulu autrement: il était bien là pour assister à une formation en secourisme.
A la fin de la séance, il sort prendre l’air et observer l’arrivée des premiers visiteurs.
Des croisiéristes tout juste arrivés du port de la Goulette sont là. Il jette un coup d’oeil à la Grande salle, comme par habitude. Presque une journée ordinaire.
Et puis, les premiers tirs de feu retentissent. Stupéfaction. Nouvelle salve. Stupeur.
“Après la surprise, pris de panique, j’ai cru que le plafond allait s’effondrer sous le coup des rafales”.
La suite est une histoire de bravoure invraisemblable pour ce jeune homme de 23 ans.
Récit d’une journée
“Je suis monté directement au premier étage en empruntant un passage que seuls les habitués connaissent.j’ai croisé un groupe d’enfants. Un visiteur tunisien, en panique, était à la recherche de son fils” se rappelle-t-il.
“Nous nous sommes dirigés vers la salle Dougga où un groupe de touristes italiens était à l’écoute d’un guide plongé dans son travail face à une mosaïque”.
“Il y’a des coups de feu dehors, une opération terroriste” glisse-t-il au guide, après avoir fermé la porte.”Non, ce sont des tirs d’entraînement” lui répond le guide, incrédule, avant de réaliser le danger, en regardant par la fenêtre.
Les tirs se rapprochaient, mais ils n’arrivaient pas à réaliser que le musée et des civils innocents étaient la cible.
“Je les ai convaincus de rester dans la salle Dougga et je suis sorti voir ce qui se passe dehors” se rappelle-t-il.
Là, ce qu’il a vu est indicible: des corps par terre, du sang sur les murs…
Connaissant parfaitement le musée, Alaa réussira à sauver la vie de ces visiteurs, une cinquantaine environ.
Fils d’un ouvrier à la retraite, il rejoint le musée, en octobre 2012, alors qu’il est encore lycéen.
N’ayant pas obtenu son bac, Alaa ne se laisse pas décourager. Il opte pour les langues.
Après l’anglais, le français, l’espagnol, l’italien, il se met au russe, espérant “pourquoi pas” devenir guide touristique.
En attendant, il apprend sur le tas en accompagnant des groupes de touristes dans les musées et les souks de la médina de Tunis.
Agent temporaire, Alaeddine espère, tout simplement, intégrer le staff du musée pour subvenir aux besoins de son père, amputé d’une jambe.