Le gouvernement de salut national basé à Tripoli (non-reconnu par la communauté internationale), a menacé mardi, de fermer les frontières avec la Tunisie si celle-ci ne lève pas l’interdiction d’atterrissage des avions libyens à l’aéroport Tunis-Carthage.
« Si vous n’ouvrez pas l’aéroport de Tunis (aux vols libyens), nous penserons sérieusement à fermer les postes frontaliers », a déclaré mardi lors d’une conférence de presse dans la capitale libyenne Ali Abouzakouk, qui occupe le portefeuille des Affaires étrangères dans le gouvernement présidé par Khalifa Ghwell, évoquant « un principe de réciprocité ».
Pour des raisons sécuritaires, une interdiction aux vols en provenance de Libye d’atterrir à l’aéroport Tunis-Carthage a été décidée en décembre dernier. Ces vols sont déroutés vers l’aéroport de Sfax-Thyna.
A contre-pied de la position des autorités tunisiennes qui, selon elles, la grande instabilité régnant en Libye, sans gouvernement central depuis juin 2014, est la menace principale pour la sécurité de la Tunisie, Abouzakouk a mis en cause le rôle de ressortissants tunisiens dans des activités « terroristes » dans son pays.
« Ceux qui recourent au terrorisme en Tunisie sont pour la plupart des Tunisiens, et ceux qui recourent au terrorisme en Libye sont également Tunisiens », a-t-il clamé.
Huit Tunisiens suspectés d’avoir des liens avec un groupe « terroriste » en Libye ont été expulsés mercredi par les Forces spéciales de dissuasion (Radaa), relevant officiellement du département de l’Intérieur du gouvernement de Tripoli, alors que de son côté la Tunisie a annoncé récemment l’achèvement d’une première tranche d’une barrière de sécurité, longue de 250 km, pour prévenir l’incursion sur son territoire d’éléments « terroristes » et réduire le trafic d’armes et la contrebande.
Présent lors de la conférence de presse, Tayeb Senoussi, occupant le portefeuille de la Santé, a averti les autorités tunisiennes que son département pourrait décider d’envoyer les malades libyens se faire soigner ailleurs qu’en Tunisie.
« Nous pouvons prendre des mesures qui causeront un grand dégât au secteur du tourisme sanitaire en Tunisie », a-t-il menacé, justifiant cette décision par « les mauvais traitements » que subissent, selon lui, les malades libyens dans le pays voisin.
Contacté par l’agence TAP, le ministère de la Santé n’a pas souhaité faire de commentaire.
Des milliers de Libyens, simples malades ou blessés dans le conflit qui secoue leur pays depuis 2011, se soignent chaque année dans le système de santé tunisien.
Les deux responsables libyens ont par ailleurs sévèrement critiqué ce qu’ils estiment être la position de la Tunisie face à l’éventualité d’une intervention militaire étrangère en Libye contre le groupe auto-proclamé Etat Islamique (Daech).
« Nous aurions aimé que la direction tunisienne active les accords de défense inter-maghrébins au lieu de demander à être consultée avant une intervention », a dit Ali Abouzakouk.
« Les pays qui envisagent une intervention militaire en Libye doivent prendre en considération les intérêts des pays voisins dont en premier lieu la Tunisie et se concerter avec nous », avait déclaré le président de la République Béji Caid Essebsi début février devant les chefs de missions diplomatiques accrédités à Tunis.
La Tunisie est officiellement opposée à toute intervention contre son voisin. « Nous ne voyons pas d’autre horizon pour le règlement de la crise libyenne que la mise en œuvre de l’accord politique inter-libyen et la formation d’un gouvernement d’union nationale », avait dit en substance Caid Essebsi à cette occasion.
Un message qui ne semble pas avoir été reçu par les autorités de Tripoli qui accusent la Tunisie de tramer des complots contre elles. « Nous savons tous que des complots ont lieu à Tunis et dans d’autres villes pour déstabiliser la Libye et mettre en place un autre gouvernement que le gouvernement de salut national », a soutenu Abouzakouk.
Les autorités tunisiennes n’ont pas jusque-là réagi à ces propos. Sous l’égide des Nations Unies, des négociations difficiles de plusieurs mois qui se sont déroulées en partie en Tunisie ont conduit, en décembre 2015, à la formation d’un Conseil présidentiel de neuf membres autour de Fayez Al- Sarraj, appelé à former un gouvernement d’union nationale pour sortir la Libye de la division et du chaos.
Après qu’une première liste de ministres n’a pas réussi fin janvier à recevoir l’approbation du parlement de Tobrouk reconnu internationalement, Fayez Al-Sarraj doit présenter bientôt une nouvelle copie.
Selon l’agence France Presse citant une source du Conseil présidentiel libyen, le désaccord porte essentiellement sur le portefeuille de la Défense.