Plusieurs acteurs de la société civile défenseurs des droits humains sont unanimes à dire que la situation des droits humains et des libertés s’est améliorée en Tunisie cinq ans après le déclenchement de la révolution du 17 décembre-14 janvier.
Ils ont toutefois relevé des violations et des pratiques portant atteinte aux droits et aux libertés du citoyen.
Dans ce contexte, Mondher Cherni, secrétaire général de l’Organisation tunisienne de prévention de la torture, a indiqué que l’Organisation a reçu depuis la révolution près de 550 plaintes de citoyens qui disent avoir été victimes de torture, la moyenne étant de 100 cas par an.
Il explique que «la persistance de la torture et autres pratiques contraires aux droits de l’Homme montre un laxisme de l’appareil de l’Etat vis-à-vis de ces pratiques», mettant en cause l’impunité, le nombre limité de plaintes traitées par la justice et les pressions exercées sur les victimes afin des les empêcher de porter plainte ou de les pousser à retirer leurs plaintes.
Le nombre de dossiers déférés devant les tribunaux ne dépasse pas, d’après lui, 5% des plaintes déposées auprès de l’Organisation. Les accusations se font sur la base de l’utilisation de la violence, et non de la torture. D’après Cherni, les décisions de justice acquittent le plus souvent les accusés.
Cherni a appelé à former les agents de sécurité aux droits de l’Homme ainsi qu’aux techniques d’interrogatoire, d’autant plus que certains agents commettent encore, au sein de leur lieu de travail et même dans la rue, des actes de torture qui portent atteinte à la dignité humaine. Ces actes sont même parfois perpétrés sous les yeux de leurs supérieurs, qui ne réagissent pas.
Il a appelé les autorités à ouvrir des «enquêtes sérieuses» dans les cas enregistrés et à prendre les dispositions nécessaires vis-à-vis des responsables, à contraindre les médecins à signaler au Parquet tout constat de torture, et à assurer la prise en charge médicale et psychologique des victimes de torture.
Selon des statistiques de l’organisation, 120 cas de torture ont été enregistrés en 2015 dont 65% commis par les forces de l’ordre, 27% les prisons et 7% par les agents de la Garde nationale. 90% des cas d’abus sont des cas de torture et 7% sont des cas de morts suspectes.
Concernant l’examen des affaires par la justice, 57% sont au niveau de l’enquête préliminaire alors que 27% sont en cours d’examen. A noter que 16% des affaires ont été montées de toutes pièces en représailles contre les victimes.
Chokri Dhibi, membre du comité directeur de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH),a, pour sa part, indiqué que les deux tiers des abus commis ont eu lieu dans les centres de détention, selon les rapports de la ligue.
Les autorités sont appelées à prendre des mesures « sérieuses » dans le cadre d’un plan global afin de limiter les violations des droits de l’Homme et de ne pas laisser place à l’impunité, a-t-il expliqué.
Dhibi a, également, exhorté les commissions en charge des dossiers de torture et de violation des droits de l’Homme à publier leurs rapports, rappelant que la torture est définie dans la Constitution comme crime imprescriptible.
La LTDH a conclu deux accords, a-t-il dit. Le premier avec le ministère de l’Intérieur pour la visite des centres d’arrêt et de détention et le deuxième avec le ministère des Affaires sociales pour effectuer des visites aux centres d’enfants et des personnes âgées. La ligue oeuvre, en outre, à conclure un 3e accord avec le ministère de l’Education pour inspecter les pensionnats, a-t-il ajouté.
De son côté, le président de l’Institut arabe des droits de l’Homme (IADH), Abdelbasset Ben Hassan, a estimé que les développements observés après la Révolution, « bien qu’ils soient importants et historiques, demeurent précaires en l’absence d’un dispositif permanent des droits humains et face à la poursuite des violations ».
Il a critiqué « l’absence de stratégie de réforme précise, dénonçant le retard enregistré dans la mise en place d’un modèle de développement équitable.
Pour le chargé de l’Information et de la relation avec la société civile au ministère de l’Intérieur, Walid Louguini, les violations commises par les sécuritaires ne sont que « des cas isolés », soulignant que de grands efforts sont consentis par le ministère pour réduire ces pratiques et poursuivre les auteurs.
L’éradication de ces pratiques est possible dans le cadre d’un effort national, en collaboration avec les institutions de l’Etat, les composantes de la société civile et les médias, a estimé Louguini.
Le chargé de l’Information a, aussi, indiqué que le ministère de l’Intérieur avait conclu plusieurs accords avec des organisations nationales et internationales, suite auxquels des codes de conduite et des publications
ont été élaborés en matière de relation avec les citoyens et les médias lors des manifestations. Des sessions de formation pour les sécuritaires ont été également organisées.