«Al Ittihad, Al Ittihad, akbar kouaw fil bled»! C’est le cri de guerre d’un syndicaliste de la Fédération de la santé, lorsqu’on avait, à l’époque, dégagé le directeur de l’hôpital de Sfax. Il s’agissait alors d’un gouvernement provisoire.
Aujourd’hui rien n’a changé, le gouvernement est permanent, élu, et l’UGTT se situe toujours dans la logique de l’Etat dans l’Etat! La désignation d’un nouveau directeur général du centre hospitalo-universitaire Habib Bourguiba à Sfax a soulevé un tollé chez les syndicalistes dictateurs… ou intéressés. La nomination d’un haut responsable ou d’un haut commis de l’Etat ne relève pas, en principe, des prérogatives des syndicats dont le rôle est exclusivement l’étude et la défense des droits, ainsi que celle des «intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels des travailleurs et agents visés par leurs statuts dans le respect des valeurs républicaines, de l’indépendance et de la transparence financière». C’est la définition que l’on donne en France, qui inspire tant les syndicats tunisiens, du travail syndical!
Est-ce le cas aujourd’hui en Tunisie? Rien de moins vrai. Se prévalant de son rôle historique dans le mouvement de libération nationale et dans le soutien des mouvements sociaux, l’UGTT est aujourd’hui en train de virer dangereusement de son rôle de protectrice des intérêts nationaux et des équilibres socio-économiques vers un autre rôle plutôt destructeur de l’économie nationale. Elle s’est tout d’un coup -et surtout depuis le 14 janvier- métamorphosée en une institution infiltrée par des mouvements politiques qui la minent de l’intérieur et mènent le pays vers la faillite. Un pays dont le taux de croissance risque d’être de 0% d’ici la fin de l’année grâce à la verve syndicale de nombre de militants intéressés et obtus et d’autres qui servent des agendas politiques qui ne devraient pas empiéter sur leur devoir syndical lequel devrait consister en premier lieu à garder les emplois et à améliorer les conditions de travail.
Les syndicalistes post-fausse révolution font trop de politique et sont trop dans la logique des rapports de force que dans celle de protéger la Tunisie et de préserver ses intérêts. Du temps de Habib Achour, on enlevait la veste des idéologies politiques pour porter celle des revendications purement syndicales avant de franchir la Place Modamed Ali.
Ainsi, après la grève des enseignants, la menace de grève du transport et la grève des transporteurs des hydrocarbures, voici que Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l’UGTT, déclare avec force conviction que «le groupe du secteur privé au sein de l’UGTT a décidé un certain nombre de mesures. Si l’UTICA ne prend aucune décision. S’il est nécessaire, rugit-il, nous entamerons une grève générale dans le secteur privé dont la dimension sera historique».
Belgacem Ayari ne s’est pas suffi des troubles sociaux, des grèves et des sit-in qui se sont poursuivis tout au long des 5 dernières années et qui ont eu pour conséquence une image désastreuse du pays à l’international. La cerise sur le gâteau a été le choix du Maroc par la firme Peugeot survenu après la fermeture et la faillite de centaines d’entreprises et la mise en chômage de milliers de travailleurs des suites de mouvements sociaux très souvent anarchiques.
Il compte donner le ton sans donner du temps au secteur privé formel et respectable de se relever de ses blessures. Si le travail syndical se réduit tout juste à cela, autant nationaliser toutes les entreprises et appliquer le système communiste des bolchévique de la révolution de 1917!
Khalil Ghariani, membre du bureau exécutif de l’UTICA chargé des négociations sociales, a déclaré être surpris par les menaces de B. Ayari : «Tout d’abord, l’UTICA n’a jamais rompu les négociations avec l’UGTT, nous attendions tout juste l’adoption des deux parties de l’accord-cadre. Il y avait certains points de divergence surmontables et lesquels touchent à la croissance, à la productivité et à la capacité de certains secteurs de s’engager dans des augmentations de salaires sans menacer leur survie.
J’estime qu’il revient au secrétaire général de l’UGTT de confirmer ou d’infirmer pareille déclaration car il s’agit d’une lourde responsabilité qui doit être assumée par les décisionnaires.
D’autre part, l’usage du bras de fer est aujourd’hui inapproprié, les temps des rapports de force sont révolus et la centrale patronale, qui estime avoir une responsabilité historique envers le pays, ne cédera pas aux pressions.
Il s’agit d’engagements dont les enjeux sont déterminants pour l’avenir de la Tunisie et ce n’est pas en adoptant ce genre de discours que nous arriverons à des solutions. Il me semble aussi que M. Ayari a oublié que la Centrale ouvrière s’est engagée à entamer des négociation dont l’objectif est une trêve sociale qui pourrait s’étaler sur 2 ou 3 années».
L’UTICA, a affirmé Khalil Ghariani, est ouverte à toutes les négociations à condition que l’on évite les propos menaçants qui ne serviront qu’à compliquer encore plus le climat social en Tunisie.
La bonne nouvelle est que la présidence du gouvernement et l’UGTT ont signé, mardi 22 septembre, un accord pour l’augmentation de salaire des fonctionnaires de la fonction publique pour les trois prochaines années. Des augmentations qui seront de l’ordre de 50 DT pour les agents, 55 Dt pour les dirigeants et 60 Dt pour les cadres. Cela peut paraître très modeste mais c’est convenable au vu de la situation difficile par laquelle passe la Tunisie.
L’UGTT a toujours affirmé être le porte étendard des hauts intérêts du pays, ce n’est pas en mettant en faillite le secteur privé, le plus grand employeur en Tunisie, qu’elle prouvera son patriotisme. Le populisme syndicaliste et le syndicalisme politisé ont déjà mis à genoux l’économie nationale, quand est-ce que ce massacre à la tronçonneuse s’arrêtera?
Amel Belhadj Ali