Comité de défense de Slim Chiboub : «Nous craignons pour la vie de notre client»

affaire-slimchiboub-tunis-18092015Jalel Chrif, c’est le nom du juge que le Comité de défense de Slim Chiboub juge trop partial pour pouvoir statuer en toute neutralité dans l’affaire Chiboub. Une affaire qui confirme une fois de plus la fragilité de notre système judiciaire qui peine à ce jour à se frayer une voie vers la justice.

Révolté? Indigné? Déçu? Outré? Scandalisé? Autant d’adjectifs qui ne peuvent à eux seuls illustrer la déception du Comité de défense de Slim Chiboub, gendre de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Un comité composé des Maîtres: Chedly Ben Younes, Mohamed Boussemma, Fethi El Mouldi, Kamel Ben Messaoud, Haykel El Mekki, Latifa Maktouf et un avocat suisse, qui a tenu vendredi 18 septembre une conférence de presse.

La rencontre avec les représentants des médias ne vise pas à produire des plaidoyers en public: «Les plaidoiries nous les consacrons aux tribunaux. Notre objectif est toutefois d’éclairer l’opinion publique à propos de ce qui se passe dans les arcanes de notre système judiciaire et qui suscite nombre d’interrogations. Il va sans dire que nous respectons l’institution judiciaire et que nous gardons confiance dans la justice malgré les aberrations auxquelles nous assistons aujourd’hui. Oui nous croyons en la clairvoyance de nos juges et en leur perspicacité et en leur capacité de discernement et espérons que le traitement de l’affaire Chiboub est d’ordre purement juridique car nous ne savons plus qui tire les ficelles de son dossier et qui manipule qui», a dénoncé Me Mouldi.

Le Comité estime qu’il y a des raisons occultes derrière le maintien illégal de Slim Chiboub en prison ou plutôt sa séquestration. Puisque, comme l’a expliqué Me Kamel Ben Messaoud: «Les 300 jours de détention préventive ont été largement dépassés et aucune demande de reconduction de la détention préventive n’a encore été soumise aux autorités concernées. Aujourd’hui, en voyant les juges agir ainsi, nous ne pouvons que lancer un cri d’alarme pour prévenir notre peuple sur les risques de déviations de la justice et dont il sera la première victime. Car un système judiciaire qui ne rend pas aujourd’hui justice à un Slim Chiboub, en toute neutralité et abstraction faite de ses liens de parenté avec Ben Ali, ne peut rendre justice à un citoyen qui se croit protégé par la force de la loi. C’est simple, on juge sur dossier et en se basant sur des pièces à conviction ou des preuves à charge et non par sympathie ou antipathie envers un prévenu. Il n’y a rien de personnel dans la justice».

Sommes-nous régentés par les juges? Une question à laquelle nous aimerions bien que le gouvernement, à sa tête Habib Essid, réagisse et réponde. Le destin des Tunisiens doit-il être décidé par le bon vouloir d’un magistrat, ses appartenances politiques ou ses penchants personnels? Qui fait loi aujourd’hui en Tunisie? La loi pure ou les convictions ou sympathies politiques? Légalité rime avec égalité et équité. Nous sommes tous égaux devant la loi, on ne distingue pas entre riches et pauvres ou puissants et faibles.

Le gouvernement des juges!

Depuis des mois, la Tunisie souffre de la mainmise des juges sur le système judiciaire et très fréquemment au détriment de l’application des lois et du respect de la justice. Ces temps de «gloire» ont commencé avec le tristement célèbre Noureddine El Bhiri. Des juges qui agissent dans une liberté quasi-totale sans garde-fous et sans freins. Des terroristes sont relâchés par manque de preuves et des prévenus comme Slim Chiboub sont maintenus pour délit de parenté. Ou… peut-être pour détention d’informations dangereuses pour des personnalités publiques ou influentes? Tout est possible!


Pourtant, tout ce qu’espère le monsieur, selon son Comité de défense, est de vivre libre et en paix dans son pays et trouver un accord avec l’Etat pour récupérer sa vie et sa famille. «Les affaires à cause desquelles Slim Chiboub a été arrêté ne relèvent pas de la corruption, du détournement des deniers publics ou des malversations, il est accusé d’abus de pouvoir et de népotisme. Quant au dossier qui l’aurait mené en prison, il consiste en une commission de 2,5 MDT”.

En deux temps, le juge d’instruction en charge du dossier a exigé le remboursement de la somme pour accorder la liberté provisoire au prévenu. Le montant a été déboursé, la liberté a été refusée parce que le premier juge de la 10ème chambre à la cour d’appel a opposé un niet catégorique!

«Nous avons aujourd’hui peur pour la vie de notre client car nous sommes face à un dossier où les règles élémentaires pour un jugement équitable n’ont pas été respectées. Les juges semblent avoir oublié que les délits de parenté n’existent pas dans le droit tunisien. Par contre, l’acharnement oui. Et à chaque fois que Slim Chiboub doit comparaître devant un tribunal, c’est le juge J.C qui prend l’affaire en main, interrompant ses vacances s’il le faut, les avançant ou les retardant d’un cran, adaptant son timing aux audiences de M. Chiboub. Ce qui est encore plus grave est qu’il a osé déclarer, avant même d’avoir étudié la demande de relaxe déposée par le Comité de défense, qu’il ne le libérera pas. Quelles explications, argumentations ou justifications donner à pareille attitude? Et comment est-ce que le président de la République (lui-même avocat de son état, ndlr), garant des droits des Tunisiens, ne réagit pas à cette injustice? Comment expliquer l’attitude attentiste du chef du gouvernement ou celle du ministre de la Justice? C’est comme si le système judiciaire était infiltré de gangs qui font ce qu’ils veulent et appliquent la loi non pas d’après ses règles mais en l’adaptant à leurs propres règles. Dans pareille situation, nous ne pouvons que nous inquiéter pour l’intégrité physique de notre client. Oui nous avons peur pour sa vie et nous appelons l’Etat à assumer ses responsabilités s’il lui arrive quoi que ce soit!», a affirmé à l’occasion Me Haykel El Mekki.

«24 heures de prison peuvent, dans certaines circonstances, détruire toute une existence», a dénoncé Me Ben Messaoud. Dans le cas de Slim Chiboub, il s’agit de 7.272 heures!
Mais le plus tragique dans tout cela est comment espérer l’édification d’un Etat de droit lorsque la justice n’est pas appliquée? Comment rassurer un citoyen sur ses droits lorsque le juge ne les respecte pas? Comment convaincre un investisseur de s’implanter dans le site Tunisie lorsque les garanties de droit et de justice n’existent pas? Comment assainir un secteur judiciaire lorsque les garde-fous sont absents?

«Il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice», disait Montesquieu. Est-ce déjà la tyrannie de la justice chez nous? Dans la Tunisie post-14 janvier?

Amel Belhadj Ali