Le 9ème congrès d’Ennahdha (12-15 juillet 2012) a été, pour ce mouvement, l’occasion de s’adonner à une démonstration de force. Incontournable, il est la locomotive de toute coalition prétendant gouverner le pays. Mais toute coalition n’est pas bonne à prendre pour lui ou du moins pour ses membres situés sur ses extrêmes. Analyse.
Choix d’un lieu mythique, qui est connu pour accueillir les grandes messes : le Palais des Congrès du Kram, participation de quelque 15.000 personnes dont des invités de marque qui ont ravi la vedette aux premiers responsables du mouvement et organisation quasi sans faille menée tambour battant par une jeunesse largement engagée dans les débats: Ennahdha a voulu montrer, du 12 au 15 juillet 2012, et à l’occasion de la tenue de son 9ème congrès, qu’il constitue un mouvement politique qui compte.
Bien plus: un parti incontournable sur la scène tunisienne. Capable, pour ainsi dire, de faire et défaire les gouvernements. Sans doute fort de la sensibilité majoritaire qu’il représente dans le pays.
Mais s’il a exprimé –souvent entre les lignes- cette nouvelle donne de la Tunisie post-révolutionnaire, le mouvement n’a pas fermé –loin s’en faut- la porte au dialogue avec nombre de sensibilités politiques auxquelles il peut s’associer pour diriger le pays. Il a dit haut et fort qu’il partage les mêmes crédos que l’essentiel des partis politiques tunisiens: il est pour un Etat moderne, démocratique qui défend le progrès économique et social et se présente, plus est, comme un mouvement situé au Centre.
Un «mal nécessaire»
Faut-il le croire? Et surtout peut-on s’associer avec lui pour présider aux destinées du pays? La question travaille nombre de Tunisiens qui sont le plus souvent divisés sur la question.
Deux camps se détachent du lot. Les premiers affirment que l’on ne peut jamais croire un mouvement religieux qui est, par essence, un parti dogmatique et donc dictatorial. L’épisode de Baghdadi Mahmoudi, ancien Premier ministre libyen, expulsé vers la Libye, le 24 juin 2012, contre la volonté (officiellement du moins) du président de la République associé de la coalition conduite par Ennahdha, en dit long sur la capacité du mouvement à n’en faire, le moins qu’on puisse dire, qu’à sa tête.
L’autre camp pense autrement. Partant du fait qu’il s’agit d’un «mal nécessaire», ils estiment qu’il est possible, s’il est majoritaire, et si l’on veut exercer le pouvoir, et de faire avancer le pays, de s’associer avec lui.
A bien réfléchir, cette vision des choses vaut, à plus d’un égard, le détour. Pour au moins quatre raisons. Notamment lorsqu’on sait que la Tunisie ne pourra pas avoir, dans l’état actuel des choses, avec l’adoption du mode de l’élection à la proportionnelle, et la kyrielle de sensibilités politiques (islamistes, représentants de la gauche, centristes, et unionistes arabes) d’autre issue que celle de voir le gouvernement composé de représentants de plus d’un parti.
Premièrement, et cela coule de source, en refusant de constituer un gouvernement avec Ennahdha, un parti peut se trouver exclu de l’exercice du pouvoir. Et peut-être pour de nombreuses années.
Prendre son mal en patience ou partir
Deuxièmement, la participation dans un gouvernement aux côtés d’Ennahdha, peut mettre à nu ce dernier s’il s’écarte de la plateforme de gouvernement qui devrait être signée avec lui. Le moindre écart pourrait être relevé et présenté à l’opinion. Ce qui pourrait lui porter du tort. Conclusion: la coalition ne permet pas aux «coalisés» d’avoir les mains libres.
Troisièmement, rentrer dans une coalition avec Ennahdha permet aux modérés du mouvement de triompher, ceux précisément qui prônent sincèrement cet Etat démocratique et moderne œuvrant pour le progrès. Les jusqu’au-boutistes et autres extrémistes ont la bride sur le cou: ils peuvent gesticuler, mais ils finissent par prendre leur mal en patience ou par aller voir ailleurs. La démocratie est ainsi faite, il faut toujours faire des concessions. Sinon, c’est l’implosion.
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Source: WMC